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Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/366

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nant, pour le 2 pluviôse, la célébration de l’anniversaire du 21 janvier et le serment solennel, par les membres du Corps législatif, de haine à la royauté, ainsi qu’on l’avait déjà fait l’année précédente (chap. xii) ? Puisqu’on avait l’audace de contrarier les royalistes — cette loi n’allait pas plus loin — un des Girondins qui avaient été réintégrés (chap. iii) le 18 frimaire an III (8 décembre 1794), Philippe Delleville, voulut à son tour ennuyer les républicains avancés, qualifiés alors d’anarchistes, et, dans la séance des Cinq-Cents du 22 nivôse (11 janvier 1797), il proposa d’ajouter, au serment de haine à la royauté, celui de haine à l’anarchie, parce que, dit-il, « en jurant simplement haine à la royauté, nous ne jurerions rien que Marat, Robespierre et leurs successeurs et sicaires anarchiques n’aient juré et ne jurent encore volontiers ». Cet aveu ne permet aucun doute sur l’infamie de ces modérés que nous avons déjà vus, et que nous aurons encore l’occasion de voir, en d’autres circonstances, traiter d’agents royalistes Marat, Robespierre et les républicains avancés, comme ceux d’aujourd’hui traitent les socialistes de « sans-patrie ». La proposition de Delleville fut acceptée et devint la loi du 24 nivôse an V (13 janvier 1797).

Avant de parler de l’action extra-légale des royalistes avoués, je dirai un mot de la question financière qui ne cessa pas d’être, pour le Corps législatif et surtout pour le Directoire, le sujet de graves préoccupations. En l’an V, on essaya pour la première fois d’établir un ensemble des dépenses et des recettes. Les faits furent loin de correspondre aux prévisions ; cependant la tentative mérite d’être signalée. Selon le système proposé par Ramel, la loi du 16 brumaire an V (6 novembre 1796) distingua, pour le budget de l’année en cours, les dépenses fixes des dépenses extraordinaires. Les premières devaient être prises en entier sur le produit des contributions de l’an V même ; il devait être pourvu aux secondes à l’aide de la rentrée des contributions arriérées, des revenus des biens nationaux et, pour le complément, de la vente d’une quantité suffisante de ces biens. Depuis la loi du 20 fructidor an IV (6 septembre 1796), on en était revenu, pour cette vente, à la mise aux enchères appliquée — voir fin du chap. vi — jusqu’à la loi du 28 ventôse an IV (18 mars 1796) relative aux mandats territoriaux — voir fin du chap. xii. D’après la loi du 16 brumaire sur les dépenses de l’an V, dont je viens de parler, les enchères étaient ouvertes devant les administrations de département dans les formes prescrites par les lois antérieures à celle du 28 ventôse an IV, « sur une première offre égale aux trois quarts du principal de l’évaluation des biens estimés en vertu des lois précédentes ». Quant aux biens non estimés, le revenu était fixé par experts, et les enchères étaient ouvertes sur l’offre de quinze fois ce revenu. Le prix était payable : un dixième en numéraire, moitié de ce dixième dans les dix jours et avant la prise de possession, moitié dans les six mois ; quatre dixièmes en quatre annuités, produisant 5 0/0 d’intérêts par an ; les cinq dixièmes restant pouvaient être acquittés en papier.