Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’abonnement en numéraire » ; de 1 250 livres en assignats ou de 30 en numéraire, à partir du 15 nivôse (5 janvier 1796) — il y avait là une augmentation particulière de 105 livres environ en assignats due à l’élévation, par la loi du 6 nivôse an IV (27 décembre 1795), du port des journaux, ce qui motivait aussi le prix de 30 fr. en numéraire ; cette augmentation devait être atténuée par la loi du 6 messidor an IV (24 juin 1796) ; de la note du Moniteur du 15 nivôse, il résulte qu’il prenait dès cette époque les 100 livres en assignats pour 1 franc valeur métallique — ; de 1800 livres en assignats, à partir du 1er prairial (20 mai 1796), ce qui équivalait à environ cent fois le prix du début ; enfin, à partir du 1er messidor (19 juin 1796), le prix ne pouvait plus être payé qu’en numéraire et était de 20 livres ; quant à ceux qui, d’après le dernier prix en assignats, avaient versé 1800 livres, ils étaient prévenus que cette somme compterait, non plus pour trois mois, mais seulement pour un mois et demi, ce qui, contre la marchandise citée, mettait encore les 100 livres en assignats à près de 0 fr. 60 ; elles valaient presque dix fois moins contre du numéraire.

Le parti de la réaction comprenait, ainsi qu’on a pu le voir par le début de ce chapitre, à côté de ces républicains modérés ne songeant à « chercher leurs adversaires, suivant l’expression de M. Waldeck-Rousseau, qui fera bien lui-même de ne pas trop l’oublier, que dans les rangs de ceux qui combattent pour la République » (séance de la Chambre du 16 novembre 1899, p. 1852 de l’Officiel), des royalistes déguisés en constitutionnels, ne se disant républicains que pour mieux trahir la République, et des royalistes déclarés agissant presque tous sous l’influence directe du prétendant ou de son frère, qui ne rêvait que plaies et bosses dès qu’il était à l’abri. Cette influence s’exerçait au moyen d’agents dont les principaux étaient ceux qui constituaient l’agence de Paris déjà mentionnée (chap. viii) ; si Lemaître s’était laissé prendre, il restait Brothier, La Ville-Heurnois, Duverne de Praile et des Pomelles. L’argent continuait à être patriotiquement accepté des mains du ministre plénipotentiaire anglais en Suisse, Wickham ; une lettre de celui-ci à son ministre Grenville, le 26 janvier 1796, nous apprend, par exemple, qu’il venait d’envoyer à l’abbé Brothier (Lebon, L’Angleterre et l’émigration, p. 171) « 1 800 livres sterling », soit 45 000 fr., tant pour acquitter les frais d’espionnage que pour encourager les insurrections.

Une évolution s’était cependant effectuée dans l’esprit d’un grand nombre de royalistes connus jusque-là pour leur intransigeance. Louis de Frotté, qui s’intitulait « général en chef de Normandie », avait écrit, par exemple, 1er août 1796, à son « major général », le vicomte de Chambray (Les Pacifications de l’Ouest, de Chassin, t. II, p. 594), que, pour le moment, il s’agissait avant tout « d’influer sur les élections » ; « pour cela, disait-il, il faut que le » meilleurs royalistes se dévouent et fassent le sacrifice apparent de leur opinion, pour se mettre plus à même de la servir avec fruit ». On voit qu’il y a