Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/372

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Necker, etc., en font partie. Les agents de ce parti sont, à Paris, Mme de Staël et de Montholon, à qui le Danemark, la Suède et le prince Henri de Prusse ont fourni quelque numéraire » (L’armée et la Révolution : Dubois-Crancé, par Iung, t. II, p. 229). De son côté, Pichegru regrettait son commandement et les facilités qu’il lui donnait ; voulant surtout travailler pour son propre compte, il songeait à se ménager l’appui des Autrichiens. D’accord pour renverser le régime républicain, les adversaires de la République étaient donc divisés entre eux ; et la campagne commune menée par eux n’empêchait pas les rivalités inquiètes de leurs diverses fractions, chacune aspirant à accaparer le bénéfice de l’œuvre réactionnaire à laquelle tous concouraient. « La réunion de Clichy en l’an V avait pour but le renversement du gouvernement de l’an III ; personne n’en doute. Elle aurait vraisemblablement réussi dans ses projets, si elle avait pu s’entendre sur le gouvernant qu’elle voulait substituer au Directoire, et surtout si elle avait mis dans ses intérêts le général qui commandait l’armée d’Italie ; mais elle était divisée en trois partis qui ne voulaient rien céder de leurs prétentions réciproques » (J. M. Savary, Mon examen de conscience sur le 18 brumaire, p. 6).

Pendant que les royalistes dits constitutionnels préparaient les élections, l’agence de Paris, obéissant aux instructions de l’entourage du prétendant — elle avait « réellement des pouvoirs de Louis XVIII donnés à Vérone le 26 février 1796 » (Sciout, Le Directoire, t. II, p. 272) — cherchait par un coup de main à obtenir un succès plus rapide ; de là, le complot de Brothier. Il y avait à cette époque un homme bien vu par tous les antirépublicains, c’était un ancien moine mendiant, le chef d’escadron de dragons Malo qui, d’après Thibaudeau (Mémoires, t. II, p. 87), « n’était pas très difficile sur les moyens de faire son chemin » : tous le louaient de son attitude scélérate contre les patriotes, lors de l’affaire du camp de Grenelle, le 23 fructidor (9 septembre). Un individu aussi dénué de scrupule inspira confiance à Brothier qui noua des relations avec lui, pendant qu’un autre agent royaliste, l’Allemand Poly, s’abouchait avec le commandant du Corps législatif, Ramel. Ces deux officiers eurent-ils un instant l’idée de marcher avec les royalistes, avant d’agir à leur égard comme Grisel contre Babeuf ? C’est possible. « Peut-être, a écrit l’historien royaliste, M. Sciout (Le Directoire, t. II, p. 271), ont-ils d’abord voulu entrer dans le complot ; puis, craignant que le Directoire n’en fût informé, ont-ils cru plus sûr de le révéler ». Quoi qu’il en soit. Malo, dans une entrevue, le 9 pluviôse an V (28 janvier 1797), avec ceux que M. Sciout appelle « les commissaires royaux » (Idem), demanda à connaître les pouvoirs qu’ils tenaient de Louis XVIII et le plan préparé ; ils acceptèrent de lui en donner communication le surlendemain, et aussitôt Malo prévint le ministre de la police. Le 11 pluviôse (30 janvier), Brothier, La Ville-Heurnois, Duverne de Praile, qui se faisait alors appeler Dunan, se rendirent dans le logement que Malo occupait à l’École militaire ; des agents étaient cachés qui s’emparèrent