Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/378

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de l’anarchie ». Finalement on chercha à exploiter la tentative d’assassinat dont fut victime Sieyès de la part d’un abbé détraqué, son compatriote Poulle (22 germinal-11 avril). L’or anglais, dans ces conditions, n’eut pas de peine à l’emporter sur l’argent du Directoire (750 000 francs, d’après Thibaudeau, Mémoires sur la Convention et le Directoire, t. II, p. 153). Il ne faut pas non plus oublier, surtout au point de vue des élections parisiennes, le mécontentement des rentiers, très mal payés alors, et dont beaucoup étaient véritablement réduits à la misère. Le rapport de police du 13 germinal (2 avril) dit que « les plaintes des rentiers sont extrêmement vives à raison des payements qui sont effectués avec des descriptions qui perdent 91 pour 100 ». Aussi les élections de germinal an V (mars-avril 1797) devaient être un triomphe pour la réaction. Ce fut une période de bon temps pour le parti royaliste et pour les burlesques échantillons de sa jeunesse, les Incroyables et les Merveilleuses, qui mirent dans leurs costumes et dans leurs manières tout le ridicule de leurs idées. Après son échec, le Directoire devait, dans son message du 28 germinal (17 avril 1797), demander le moyen de ne pas laisser impunis les procédés de corruption employés et, dans un rapport aux Cinq-Cents, en réponse à ce message du Directoire, Dumolard dénonçait à son tour, le 10 floréal an V (29 avril 1797), « ce trafic honteux des suffrages, dont le résultat nécessaire est de mettre à l’encan les droits et la liberté du peuple » ; mais cela n’eut pas de suite.

Il y eut renouvellement d’un tiers des deux Conseils, c’est-à-dire que, sur les deux tiers composés à l’origine de Conventionnels, la moitié devait cesser ses fonctions. Le tirage au sort pour la désignation des Conventionnels sortants avait été opéré le 15 ventôse (5 mars). On garda le second tiers complet, les sièges vacants par suite de démission où de décès furent comptés dans le tiers à renouveler et 216 anciens Conventionnels sortirent, 145 des Cinq-Cents et 71 des Anciens. Or, sur ces 216, 11 seulement furent élus. Les rapports de police nous apprennent qu’à Paris la plupart des membres des bureaux des assemblées primaires étaient « les mêmes que ceux qui les composaient en Vendémiaire » (rapport du 3 germinal-23 mars), et que, croyant avoir encore le droit de voter, des ouvriers s’y présentèrent « en assez grand nombre » (rapport du 5-25 mars). La bourgeoisie parisienne nomma des royalistes constitutionnels ; Lyon, des royalistes avérés : Imbert-Colomès et Camille Jordan ; Marseille, le général Willot, qui (Chassin, Les Pacifications de l’Ouest, t. II, p. 157) s’était traîtreusement, pendant le séjour du comte d’Artois à l’île d’Yeu, mis en relations avec les émigrés et avec les chefs vendéens tels que les de Béjarry (Idem, p. 174), qui avait cherché à enlever son commandement à Hoche (Idem, p. 175 et 176), et qui, envoyé en thermidor an IV (août 1796) à Marseille, put y protéger à son aise, grâce (Chassin, Idem, t. III, p.29-30) à l’appui de Carnot, les compagnons de Jésus et du Soleil ; le Jura élit Pichegru. De l’autre côté, on trouvait le général Jourdan, élu par la Haute-