Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/383

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plus que je ne comptais le faire et de revenir un peu en deçà de ma période.

On a parlé à la Chambre de Descorches. J’ai consulté aux archives du ministère des affaires étrangères les instructions données à Descorches lorsque, en janvier 1793, il fut nommé envoyé extraordinaire à Constantinople. Dans le volume Turquie, supplément, 22, se trouvent, au folio 233, des instructions particulières où, envisageant les conditions d’une alliance, on dit : « Confirmation des anciennes capitulations passées entre la France et l’empire ottoman pour tout ce qui concerne les intérêts de notre commerce, les privilèges, exceptions, droits et prérogatives qui y sont énoncés » (folio 240). Les développements qui suivent cette formule générale montrent que ce qui préoccupait le plus la diplomatie révolutionnaire, c’était notre intérêt politique, nos intérêts et prérogatives en matière de commerce, de navigation et de juridiction. Est enfin abordé le côté religieux (folio 245-246) et je donne intégralement le passage qui le concerne et qui n’a guère été reproduit, quoiqu’il précise seul le véritable sens de la formule générale trop exclusivement mise jusqu’ici en vedette.

« On attachait autrefois beaucoup d’importance à la religion romaine, tant à Constantinople que dans les États dépendant du grand Seigneur ; l’ambassadeur de France jouissait à cet égard de la plus haute considération ; mais, depuis que la République française s’est émancipée et que le bonnet de la liberté s’est élevé au-dessus de la tiare du pontife, toutes les querelles religieuses ne doivent nous intéresser que faiblement. L’ambassadeur de la République se bornera donc à conserver les prérogatives de sa chapelle, il empêchera soigneusement qu’aucun Français ne se mêle de disputes théologiques qui pourraient s’élever entre les différentes sectes chrétiennes tolérées dans l’empire ottoman. Il existe à Constantinople un couvent de capucins attenant, pour ainsi dire, à la maison de l’ambassade. Comme ces religieux font le service de la chapelle et que leur maison est sous la protection de la République, il sera indispensable que ces religieux se conforment aux décrets relatifs à la constitution civile du clergé tant pour ce qui concerne le serment que par rapport au décret qui prononce la dissolution des ordres monastiques et la suppression de l’habit de Saint-François. M. Marie Descorches voudra bien pressentir ces bons pères sur cette nécessité, et faire passer au ministre des affaires étrangères le résultat de ses observations ainsi que les renseignements qu’il se sera procurés sur le régime de cette maison et ses propriétés. Au reste, M. Descorches, sans attacher précisément trop d’importance à l’exercice du culte chrétien, aura soin de maintenir la décence et d’écarter toute espèce de tracasseries qui pourrait scandaliser les musulmans. »

La lecture de ce passage suffit, sans qu’il y ait lieu d’insister, pour prouver que ceux qui embauchent Danton au service de leur cause sont plus accommodants pour le passé que pour le présent ; je connais des adversaires