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du protectorat religieux qui se rallieraient volontiers à la façon dont le comprenait la République de 1793, en le mettant d’accord, et non en contradiction, avec sa législation intérieure.

Il n’est pas niable qu’en cette matière comme en toutes les autres, il y eut, dans la période que j’étudie, de la part de nombreux fonctionnaires, des tentatives de réaction contre les idées qui avaient prévalu durant la grande période révolutionnaire ; et le rapport du ministre des relations extérieures, Delacroix, dont je vais parler, découle incontestablement d’une autre inspiration que celle qui a présidé à l’élaboration du passage cité plus haut. Mais il ne faudrait cependant pas exagérer la divergence que je suis le premier à reconnaître ; il ne faudrait pas surtout, pour le plaisir d’avoir un argument historique, commettre la faute d’assimiler deux situations tout à fait différentes.

Le 28 avril 1796, nous apprend Delacroix dans son rapport au Directoire (archives des affaires étrangères, Turquie, supplément, 23, folio 43 à 48), le roi d’Espagne demandait, par une note de Godoy, prince de la Paix, que le gouvernement français lui cédât la protection des établissements religieux au Levant ; cette note étant restée sans réponse, par une seconde note du 25 janvier 1797, qu’adressait au ministre, le 12 pluviôse an V (31 janvier 1797), notre ambassadeur à Madrid, Godoy renouvelait sa demande et, pour rallier le Directoire à sa propre opinion, Delacroix rédigeait le rapport en question, daté du mois suivant (ventôse an V), qui concluait à un refus. Le véritable motif de cette demande, « c’est de faire recueillir à l’Espagne tous les avantages politiques et commerciaux » résultant alors de cette protection, tel est le fond du rapport. Au point de vue politique, nous n’aurions plus l’influence reposant sur « les fréquentes occasions que la protection donne aux agents français de faire preuve d’égards pour les usages, de respect pour les lois du pays, la certitude où sont tant le Divan que le peuple, que la protection de la République française sur les établissements religieux se dirigera constamment, et plus encore dans l’avenir que dans le passé, d’après les anciennes maximes, c’est-à-dire dans le sens du gouvernement turc » ; autrement dit, Delacroix voyait dans le protectorat une facilité plus grande d’être agréable à la Turquie et il en escomptait le bénéfice politique. Au point de vue commercial, « les instances du prince de la Paix coïncident avec les renseignements que le ministre reçoit des agents de la République sur les efforts que fait l’Espagne pour se rendre maîtresse du commerce avec les Turcs ».

Voici enfin l’alinéa où Delacroix résume les effets du protectorat dans les dernières années : « Le ministre fera observer au Directoire exécutif que, pendant le séjour du citoyen Verninac à Constantinople, il s’est offert des occasions de professer les maximes énoncées dans ce rapport, que cet agent de la République, ainsi que ses prédécesseurs, a manifesté la nécessité de protéger les établissements religieux contre la cupidité de certains particu-