Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/387

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un régime abhorré ; c’était aussi le risque de perdre non plus le bénéfice des colonies, mais les colonies elles-mêmes. Le ministre Godoy finit néanmoins par s’allier à la France, et le général Pérignon qui, nommé ambassadeur de France en Espagne le 5 frimaire an IV (26 novembre 1795), n’était arrivé à Madrid que le 22 germinal an IV (11 avril 1796), signait un traité avec lui, le 2 fructidor an IV (19 août 1796), à San Ildefonso, non loin de Ségovie.

Il y avait entre les deux pays alliance offensive et défensive ; chacun d’eux devait, dans les trois mois où il en serait requis, tenir à la disposition de l’autre 25 navires et un contingent d’environ 24.000 hommes ; l’Angleterre seule était immédiatement visée ; un article secret prévoyait l’intervention de l’Espagne pour amener le Portugal à fermer ses ports aux Anglais. Le 8 octobre, la, guerre était officiellement déclarée par l’Espagne à l’Angleterre ; quatre mois après (14 février 1797), la flotte espagnole complètement battue par l’amiral anglais Jerwis à la hauteur du cap Saint-Vincent, se réfugiait à Cadix où elle était bientôt bloquée. Si, d’autre part, l’île de la Trinité, dans les Antilles, fut, le 18 février 1797, prise par les Anglais, ceux-ci, en avril, échouèrent contre Puerto-Rico, et Nelson, qui avait mission de s’emparer des îles Canaries, ne put réussir, le 20 et le 24 juillet 1797, dans sa tentative contre Santa-Cruz, capitale de l’île de Tenerife ; il reçut là une blessure qui nécessita l’amputation du bras droit, il avait déjà perdu un œil pendant le siège de Calvi en juillet 1794. Toutefois, le désastre de la flotte et, après les élections de l’an V, l’espoir d’une prochaine réaction en France avaient rendu Godoy moins coulant à l’égard du Directoire ; j’ai parlé, à propos de la Turquie, de sa demande infructueuse ; relativement à notre protectorat religieux dans le Levant ; je n’y reviendrai pas. À la suite de l’attitude récalcitrante de Godoy, Truguet qui, nommé en remplacement de Pérignon (29 vendémiaire an VI-20 octobre 1797), prit ses fonctions en pluviôse (février 1798), travailla à le faire renvoyer du ministère, ce qu’il obtint du roi le 28 mars. Malgré une résistance comique, il fut à son tour remplacé, en prairial an VI (mai 1798), par Guillemardet qui remit ses lettres de créance le 20 messidor (8 juillet).

Sans participer effectivement aux hostilités, le Portugal ne rompait pas avec l’Angleterre. Il y eut bien, le 23 thermidor an V (10 août 1797), un traité conclu à Paris entre Delacroix, ministre des relations extérieures, et le ministre du Portugal en Hollande, d’Araujo, accordant à la France une extension en Guyane ; mais le fils de la reine, qui exerçait les fonctions de régent, refusa de le ratifier et le Directoire furieux, déclara, par arrêté du 5 brumaire an VI (26 octobre 1797). le traité « non avenu ». Après une démarche de l’Espagne, le Portugal revenait sur sa première décision ; le 1er décembre, il se déclarait favorable à la ratification et chargeait d’Araujo d’amadouer le Directoire à l’aide d’espèces sonnantes ; la chose s’étant ébruitée, ; le Directoire, pour faire preuve d’incorruptibilité, fit enfermer d’Araujo au Temple du 8 nivôse au 8 germinal an VI (28 décembre 1797 au 28 mars