Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/39

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nous le savons, avait eu depuis longtemps des tendances communistes et des velléités socialistes.

Nous avons vu les Jacobins reprendre leur influence ; à leur instigation ou avec leur appui, on avait agi et on allait continuer à agir contre le club dit électoral. Le 7 vendémiaire an III (28 septembre 1794), ce club avait renouvelé sa démarche en faveur de ses membres emprisonnés, Varlet et Bodson, et demandé le retrait du décret lui enlevant sa salle ; le soir, il arrêtait le texte d’une adresse à la Convention. Cette adresse publiée par Babeuf dans son n° 22 — daté par erreur du 10 vendémiaire comme le n° 21 — s’occupait d’abord « des moyens de vivifier le commerce ». Après avoir à cet égard conclu à ce que « aucune commission ne fasse ni préhensions, ni réquisitions que pour les armées, et même point du tout, s’il était possible que le commerce fournisse », elle ajoutait : « Rendez à Paris les deux assemblées de sections par décade, qui sont à peine suffisantes pour les objets journaliers. Rendez-lui sa municipalité, ses magistrats, élus par le peuple qui seul a le droit de les nommer ». Babeuf faisait suivre cette adresse des lignes suivantes : « Nous ne donnons notre approbation entière qu’à la partie de cette adresse qui se rapporte à la réclamation de tous les droits de la souveraineté. Le sujet du commerce mérite d’être approfondi ; il y a bien des choses à dire sur les accaparements, et il faudra encore longtemps chez nous des lois contre la cupidité ».

Le lendemain, 8 (29 septembre), à huit heures du matin, un architecte à la tête de deux cents ouvriers envahissait le local du club ; on commençait à arracher et à briser bureau, tribune et banquettes ; mais devant des protestations qui éclatèrent, un décret du 11 (2 octobre) ordonna de surseoir à la démolition. Le club n’en présentait pas moins, le 10 vendémiaire (1er octobre), son adresse à la Convention dont le président, André Dumont, répondit : « Ignorez-vous donc que le gouvernement révolutionnaire existe et que la Convention nationale a juré de le maintenir jusqu’à la paix » ; et l’adresse fut renvoyée au comité de sûreté générale. Cette adresse reçut l’adhésion de plusieurs sections, entre autres celle du Muséum.

Babeuf protesta contre cette invocation du gouvernement révolutionnaire. La Convention « parle de ce gouvernement révolutionnaire comme du saint des saints, avec vénération et respect, et avec indignation du gouvernement de Robespierre, de la Terreur et du système de sang, comme si tout cela n’était pas une seule et même chose » (n° 24, du 16 vendémiaire-7 octobre). « N’est-il pas temps bientôt que les mots n’en imposent plus ? Pourquoi celui de gouvernement révolutionnaire est-il toujours le talisman qui couvre tous les abus sans permettre qu’on s’en plaigne ?… Eh bien, oui, tous les amis de la liberté tendent au renversement du gouvernement révolutionnaire, et la raison c’est qu’il est la subversion de toute liberté » (n° 25, du 17 vendémiaire-8 octobre).