Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/394

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cadre de Plymouth s’insurgea à son tour ; le 20 mai, révolte de l’escadre de la mer du Nord qui aurait pu avoir de graves conséquences si la flotte française et la flotte hollandaise, son alliée, avaient su profiter de cette occasion. La situation n’apparaissait pas brillante pour l’Angleterre : à la fin de février 1797, nous le savons, la Banque d’Angleterre avait dû suspendre ses payements en espèces ; l’Autriche, nous allons le voir, s’apprêtait à conclure la paix. Aussi, le 13 prairial an V (1er juin), Pitt offrit au Directoire de renouer les négociations rompues ; on se mit d’accord pour reprendre les pourparlers à Lille, où Malmesbury arriva le 16 messidor (4 Juillet). Cette fois, on ne parla pas franchement de l’annexion de la Belgique, l’Angleterre ne pouvait plus affecter de défendre les intérêts de l’Autriche qui traitait séparément avec la France ; mais la question n’en domina pas moins les préoccupations d’une manière détournée. L’ Angleterre voulait qu’un article du nouveau traité reconnut pleine vigueur à toutes les clauses des traités antérieurs qu’il ne modifierait pas formellement ; or la Belgique ayant été cédée à l’Autriche par le traité d’Utrecht(i713), le silence gardé, dans le nouveau traité avec l’Angleterre, sur sa réunion à la France, aurait permis au gouvernement anglais d’en contester à celle-ci la possession le jour où il aurait eu la possibilité de le faire avantageusement. La France, de son côté, réclamait la renonciation de l’Angleterre à toute hypothèque à elle donnée par l’Autriche sur la Belgique en garantie de ses subsides. Dans les « instructions » rédigées par Talleyrand pour Treilhard et Bonnier, le 25 fructidor an V (11 septembre 1797), où sont indiquées les diverses conditions de paix et notamment « l’abandon de l’hypothèque sur la ci-devant Belgique », on lit : « Le Directoire n’entend pas se départir de » cette condition (Pallain, Le ministère de Talleyrand sous le Directoire, p. 41). Là était l’obstacle ; ne voulant ni l’aborder franchement, ni transiger sans arrière-pensée, on se montra intransigeant sur des points dont on se souciait beaucoup moins. Nos plénipotentiaires, qui étaient, au début, Le Tourneur, Maret et Pléville-Le Pelley qu’on devait, pendant les négociations (voir le chapitre suivant) nommer ministre de la marine sans le remplacer à Lille, étaient, à la fin, Treilhard et Bonnier. La rupture se produisit comme à Paris, le 2me jour complémentaire de l’an V (18 septembre 1797), Malmesbury quitta Lille où les plénipotentiaires français restèrent, sans le voir revenir, jusqu’au 25 vendémiaire an VI (16 octobre 1797). Peu de temps après, la flotte hollandaise de l’amiral de Winter, mouillée dans les eaux du Texel, leva l’ancre pour tenter une descente en Angleterre. L’escadre anglaise de l’amiral Duncan chargée de surveiller les mouvements de cette flotte, se porta au-devant d’elle, l’atteignit non loin d’Egmond, à la hauteur du village de Camperdwin (11 octobre 1797) ; ce fut un désastre pour les Hollandais. C’était le moment où le manque d’argent décidait le Directoire (commencement de vendémiaire an VI-fin septembre) à désarmer un certain nombre de navires français et à en céder d’autres au com-