Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/408

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grité de l’Empire, apprirent avec épouvante, le 9 décembre, que l’empereur retirait ses troupes de Mayence, ce qui équivalait à l’abandon de cette partie de l’Empire à l’armée française ; celle-ci, en effet, cernait la ville le 26 frimaire (16 décembre) et prenait possession de la citadelle le 10 nivôse (30 décembre). D’autre part, les plénipotentiaires français, Treilhard et Bonnier, ayant protesté contre le mandat limité des délégués de l’Empire, la Diète de Ratisbonne déclara, le 8 janvier 1798, que les pouvoirs de ses délégués seraient illimités ; l’empereur sanctionna cette décision le 11 ; les négociations pouvaient commencer. Pendant ce temps, les Français, avant de la livrer, pillaient littéralement Venise (Gaffarel, Bonaparte et les républiques italiennes, p. 184-186) que les Autrichiens occupaient le 29 nivôse (18 janvier). Deux mois après la constitution définitive du congrès de Rastatt, le 9 ventôse (9 mars), le Directoire se voyait accorder la rive gauche du Rhin ; manquait seulement le consentement de l’empereur qui cherchait encore à se faire donner en Italie des dédommagements que le directoire s’obstinait à ne lui octroyer qu’en Allemagne. Nous savons que, pour indemniser les princes laïques dépossédés, il voulait recourir à la sécularisation de toutes les principautés ecclésiastiques, et, le 15 germinal (4 avril), le principe de cette sécularisation était agréé par le Congrès.

Restait à appliquer ce principe ; or, sur ce chapitre, la Prusse et l’Autriche ne s’entendaient pas, chacune d’elles craignant et combattant l’agrandissement de l’autre. Déjà, avant l’adoption du principe, elles avaient négocié entre elles sur ce point délicat, sans parvenir à s’entendre ; mais la Prusse, le 19 mars, admettait en cette matière la médiation, à elle offerte, le 8, par l’Autriche, du tsar Paul Ier. Celui-ci accepta avec empressement, à la prière de Thugut, le rôle de médiateur entre la Prusse et l’Autriche dans la question des indemnités territoriales, et envoya à Berlin, pour conférer avec les ministres prussiens et le prince de Reuss, délégué de l’Autriche, le comte Repnin. Ces conférences s’ouvrirent le 21 mai 1798 ; d’après l’avis du tsar, qui cherchait à sauvegarder la constitution de l’Empire, la Prusse et l’Autriche devaient renoncer à toute indemnité en Allemagne : la Prusse refusa de souscrire à cette renonciation si l’Autriche restait libre de s’agrandir en Italie, et l’Autriche ne voulut se lier pour l’Italie par aucun engagement ; d’où l’échec de ces conférences à la fin de juin. Paul Ier, tout en détestant la Révolution, s’était d’abord montré pacifique. Des pourparlers pour un rapprochement avaient même eu lieu à Berlin entre l’ambassadeur français Caillard et l’ambassadeur russe, Kolytchef d’abord, puis le comte Nicétas Panin (juillet-août 1797) ; assez difficiles, ces pourparlers, pendant lesquels Panin faisait espérer un changement de régime en France, aboutirent, vers l’époque même du 18 fructidor, le 23 (9 septembre), à un projet de traité sur lequel on ne s’entendit bientôt plus.(G. Grosjean, La France et la Russie pendant le Directoire, p. 61 à 78).