Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/410

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commencé dès le 23 pluviôse-11 février (Gichot, Histoire militaire de Masséna, la première campagne d’Italie, p. 314 note et p. 326). Mais si on ramassa de l’argent, on ne paya pas la solde arriérée des troupes. Le contraste entre les rapines des uns et le dénûment des autres suscita chez ceux-ci un mécontentement qui ne tarda pas à éclater. Un arrêté du Directoire du 15 pluviôse (3 février) avait nommé commandant en chef des troupes détachées de l’armée d’Italie pour occuper les États du pape, Masséna, qui arriva à Rome le 1er ventôse (19 février). Berthier, toujours commandant en chef de l’armée d’Italie, décida que Masséna prendrait son commandement le 5 (23 février). Par ces dates, il est évident qu’en la circonstance Masséna n’eut aucune responsabilité dans les faits dont se plaignaient les troupes ; mais il avait existé une vive animosité entre les officiers de la division de Masséna et ceux de la division de Bernadotte pendant la dernière campagne contre l’archiduc Charles — certains même s’étaient battus le 3 prairial (22 mai) à Gorizia ; — or, trois demi-brigades de la division de Bernadotte figuraient dans le corps d’occupation de Rome, et la nomination de Masséna dont ils ne voulaient pas, fut, d’après M. Gachot (Idem, p. 331), la goutte qui fit déborder le vase. Le 6 ventôse (24 février) deux ou trois cents officiers subalternes, depuis les sous-lieutenants jusqu’aux capitaines, se réunirent au Panthéon et rédigèrent une pétition que Masséna refusa de recevoir, ne pouvant, disait-il, écouter que des plaintes individuelles. Ce refus envenima les choses et Masséna se trouva en butte à de telles menaces que, le 7 (25 février), il quitta Rome.

Le clergé voulut aussitôt profiter de la situation et, faisant répandre le bruit que « les madones pleuraient », il réussit à provoquer ce même jour, 7 ventôse-25 février, aux cris de « Viva Maria ! » (Mémoires du maréchal Gouvion Saint-Cyr, t. Ier, p. 32 et 33), un soulèvement des Transtévérins, c’est-à-dire des habitants de la rive droite du Tibre. Ce mouvement de malheureuses victimes de l’abêtissement catholique fut vite réprimé ; une nouvelle tentative, le 23 germinal (12 avril), ne devait pas avoir plus de succès.

Berthier dont, sans compter sa condescendance à l’égard du pape, tout le rôle dans cette affaire paraît très louche, quitta Rome le 8 ventôse (26 février), en confiant momentanément le commandement de la place au général Dallemagne. Une partie de l’arriéré de la solde fut payée et, le 23 ventôse (13 mars), Masséna put rentrer à Rome sans incident. Mais une proclamation imprimée dans la nuit et affichée le lendemain matin, qu’il terminait en parlant des « mesures que les circonstances pourraient exiger », déchaîna, par la crainte de représailles, une nouvelle rébellion, et les officiers déléguèrent, le 25 (15 mars), quatre des leurs auprès du Directoire. Ils étaient partis lorsque, le 28 (18 mars), les commissaires civils de la République française auprès de l’État romain, Monge, Daunou, Florent et Faipoult, qui s’étaient, d’ailleurs, montrés hostiles à Masséna, lui signifièrent qu’un arrêté du Di-