Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/423

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prochaine arrivée d’une partie des troupes à la Ferté-Alais, c’est-à-dire à moins de 60 kilomètres de Paris, dans le rayon que, d’après la Constitution, elles ne pouvaient franchir qu’avec l’autorisation du Corps législatif. Le conseil des Cinq-Cents s’émut (2 thermidor-20 juillet), demanda des explications et le Directoire répondit que ce n’était que le résultat d’une inadvertance. Hoche, arrivé à Paris ce même jour, se retrancha derrière l’expédition d’Irlande. Le lendemain, il trouvait les directeurs faisant tous semblant de ne rien savoir ; il déclarait, le 4 thermidor (22 juillet), que, n’ayant pas l’âge légal, il ne pouvait accepter le ministère, où il avait, le 5 (23 juillet), pour successeur Scherer, et, malade, mécontent de se voir lâché par tout le monde, il quittait Paris et ne tardait pas à regagner son quartier général.

Il mourut à Wetzlar, ayant à peine commencé sa trentième année, le troisième jour complémentaire de l’an V (19 septembre 1797), d’un refroidissement qui vint aggraver sa maladie de poitrine. Le journal de l’Irlandais Wolf Tone, où se trouve relaté, à la date du 13 et du 17 septembre, son état alarmant (Sorel, Bonaparte et Hoche, p. 331), ne permet aucun doute sur la cause de sa mort. Il est intéressant de noter que, dans sa dernière lettre à Barras, il prévoyait que Bonaparte serait dangereux pour la République. Voici comment Barras raconte le fait (Mémoires, t. III, p. 57) : « Hoche expirant a chargé Debello [général qui était son beau-frère] de me dire que Bonaparte devait être surveillé ; qu’il avait beaucoup d’argent et beaucoup de puissance ; que, sans avoir des preuves matérielles qu’il visât à l’indépendance et peut-être à la tyrannie, il avait assez d’observations et de données pour me prévenir à cet égard. Une lettre de Hoche écrite seulement à moitié, peu d’instants avant son dernier soupir, permet déjà bien des soupçons sur ce Bonaparte que je croyais mon ami ».

Quant à Hoche, très sincèrement républicain, en consentant à intervenir contre les royalistes des Conseils, il n’obéissait à aucune arrière-pensée césarienne : « La chose sur laquelle on l’entendait, dans toutes ses conversations, témoigner son inquiétude, dont il avait autant d’horreur que de la royauté même, c’était le pouvoir militaire ». (Rousselin, Vie de Hoche, t. I, p. 380.) « Je vaincrai, ajoutait-il, les contre-révolutionnaires et, quand j’aurai sauvé la patrie, je briserai mon épée » (Idem, p. 383). Quoi qu’il en soit, il est préférable de ne pas s’exposer à des sauvetages de cette espèce.

N’ayant plus Hoche, les trois directeurs devaient se rejeter sur Bonaparte. Un des nouveaux ministres, Talleyrand, pressentant en lui un homme dont l’ambition ne reculait devant rien, lui avait écrit le 6 thermidor (24 juillet) ; sous l’apparence de lui faire part de sa nomination (Bonaparte et Hoche, p. 156), il le flagorna, et Bonaparte, toujours sensible aux flatteries, le fut en cette circonstance d’autant plus qu’elles venaient d’un ancien grand seigneur. Des rapports s’établirent entre eux ; Talleyrand servit Bonaparte auprès du Directoire, le prôna dans les salons et le tint au courant de la