Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/436

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

2 ventôse an V (20 février 1797), sous couleur d’accorder aux rentiers un avantage dont je parlerai tout à l’heure, aboutissait à opérer le payement des rentes et pensions au moyen de deux récépissés, l’un équivalant au quart payable en numéraire et l’autre équivalant aux trois autres quarts. Ces deux sortes de bons au porteur étaient admis — c’était l’avantage — en payement des biens nationaux, la première sorte pour la partie du prix payable en numéraire, la seconde pour la partie payable en papiers. Une loi du 10 floréal au V (29 avril 1797) conféra à de nouveaux bons, — nominatifs ceux-là, mais, sauf sur ce point, semblables à ceux de la première sorte et, comme ceux-ci, tenant lieu du quart des rentes dû en numéraire — la possibilité d’être reçus par les percepteurs et receveurs en payement des contributions foncières ou somptuaires des rentiers et pensionnaires. Ceux qui n’avaient ni domaines à acheter, ni à payer un chiffre de contributions égal au montant de leurs bons, les livraient, avec un rabais énorme, à des spéculateurs ; les bons dits des trois quarts furent les plus dépréciés.

Voici quelle a été la situation financière pendant l’an V, d’après le résumé de Ch. Ganilh (Essai politique sur le revenu public, t. II, p. 152-154) : « Les dépenses de cet exercice, fixées d’abord par aperçu à 568 millions, non compris la dette publique, ensuite restreintes par les crédits ouverts aux ordonnateurs à 562,297,226 livres, toujours sans y comprendre la dette publique, s’élevèrent définitivement, en y comprenant la dette publique conservée par les lois des 19 vendémiaire et 24 frimaire, à 657,369,522 livres ». Or les recouvrements opérés dans le cours de l’an V, et employés à l’acquit de ces dépenses, n’atteignirent que 442 millions. Aussi la loi du 9 vendémiaire an VI (30 septembre 1797), mentionnée à plusieurs reprises dans le § 1er du chapitre xi, essaya-t-elle d’accroître les recettes en rétablissant la loterie d’État, les droits sur les cartes à jouer, en établissant le timbre des affichés et des journaux, l’impôt sur les moyens de transport public, et en élevant certains droits existants.

Les clubs s’étaient rouverts ; mais, à la joie de la défaite des royalistes, succéda bientôt le mécontentement provenant de l’accroissement des charges et de l’absence de toute réforme démocratique. On comprit que le Directoire n’avait agi que dans son propre intérêt et on lui reprocha sa politique de profit personnel. Ces critiques et les progrès, à Paris et dans les grands centres, des républicains avancés englobés sous le nom de Jacobins, inquiétèrent les modérés du Directoire, mal venus désormais à prétendre imposer aux autres le fétichisme d’une Constitution qu’ils avaient eux-mêmes violée. Aussi, débarrassés du péril de droite, revinrent-ils à leur ancienne thèse du péril à gauche, et, pour enrayer le mouvement démocratique, ils allaient en arriver bientôt à la fermeture, à Paris et en province, des clubs ou « cercles constitutionnels », selon l’expression du moment, et à la suppression de journaux républicains. Les cercles furent fermés à Perpignan (2 ventôse-20 février),