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Égypte, par Désiré Lacroix, p. 6 et. 249-250), l’attaque de la puissance anglaise dans l’Hindoustan, en opérant de concert avec Tippoo-Sahib, le sultan de Maïsour (Mysore), ancien allié de la France ; ce fut aussi plus tard la ruine de l’empire ottoman en Europe, à l’aide d’un soulèvement des populations chrétiennes et grecques. Mais, au milieu de ces chimères qu’il n’était pas le seul à caresser à cette époque, son but très réel, en présence de la difficulté, vu son âge, de se faire élire membre du Directoire, fut, tout en frappant l’imagination, en jetant de la poudre aux yeux, de s’éloigner jusqu’à ce que de prochaines difficultés extérieures, faciles à prévoir — « tout annonçait la guerre », d’après son aveu à Bertrand (t. II, p. 178) — eussent abouti en son absence à des revers qui lui fourniraient l’occasion et la force de s’imposer à tous comme l’homme nécessaire, le sauveur prédestiné, dont une réclame habile aurait pendant ce temps favorisé les desseins. Un journal ami cité par M. Aulard dans son recueil (t. IV, p. 759), le Conservateur du 12 messidor an VI (30 juin 1798), disait : « on voit depuis trois jours l’éloge de Bonaparte placardé sur tous les murs de Paris ».

Pour les frais de la « descente en Angleterre », le commerce de Paris avait proposé l’ouverture d’un emprunt de 80 millions qu’une loi du 16 nivôse an VI (5 janvier 1798) autorisa ; les souscriptions étant restées assez rares et le but de l’expédition ayant été changé, une loi du 3 nivôse an VII (23 décembre 1798) clôtura cet emprunt ; les sommes versées furent tenues à la disposition des souscripteurs. Les préparatifs de l’expédition d’Égypte, d’abord retardés par le manque d’argent, purent s’achever grâce au numéraire provenant du trésor de Berne (chap. xvi). Juste au moment où ils s’achevaient, l’expédition faillit être arrêtée par la menace d’une guerre avec l’Autriche. Bernadotte nommé ambassadeur à Vienne le 22 nivôse an VI (11 janvier 1798) et arrivé dans cette ville le 8 février, sans que les usages diplomatiques eussent été observés, fut reçu, mais assez froidement, et désirait s’en aller. Or, tandis que jamais les ambassadeurs à Vienne n’arboraient le drapeau de leur pays, il choisit l’époque où la population s’apprêtait à fêter l’anniversaire de la levée en masse décidée l’année précédente lors de la marche de Bonaparte sur Vienne, pour déployer, le 24 germinal (13 avril), vers les six heures du soir, un immense drapeau tricolore au balcon de l’ambassade. La foule se rassembla, vit dans cet acte une provocation, cassa les vitres, lacéra le drapeau, enfonça la porte, envahit l’hôtel où elle commit quelques dégâts ; ce ne fut que vers minuit qu’elle fut dispersée par la troupe. Le gouvernement impérial exprima des regrets de ce qui s’était passé ; néanmoins Bernadotte persista à réclamer ses passeports ; il partait le 26 (15 avril) et, le 4 floréal (23 avril), il était à Rastatt où délibérait le Congrès dont nous avons parlé (chap. xvi). Ce même jour (4 floréal), le Directoire recevait la nouvelle de l’émeute de Vienne.

On redouta un instant la guerre ; on parvint cependant à se mettre d’accord pour entrer en pourparlers. Il fut convenu que des conférences auraient