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(Moniteur du 8 thermidor an VII-26 juillet 1799) adressée aux chefs de division de son département, il disait : « Vous voudrez bien sur-le-champ rechercher les auteurs de ces traitements indignes et me les faire connaître aussitôt… La République n’entend point prodiguer les aisances de la fortune à ceux qui se montrent aussi dénaturés ». Un arrêté du 25 thermidor (12 août), en attendant « la jouissance de la pension », accorda aux veuves et aux enfants des défenseurs de la patrie un secours mensuel provisoire de 5 fr. pour les veuves de soldats ou sous-officiers, de 10 fr. pour les veuves d’officiers et de 25 fr. pour les veuves de généraux. Ce fut là tout ce que reçurent les défenseurs de la patrie et leurs familles. Le Directoire qui, par suite de ses embarras financiers, avait intentionnellement traîné les choses en longueur, était renversé trois mois après et, à partir du 18 brumaire, il ne fut plus parlé de ce qui leur avait été promis.

L’augmentation des impôts dont il a été question dans le chapitre précédent ne parvint pas à suffire aux dépenses ; comment n’y aurait-il pas eu déficit avec les procédés du gouvernement et de ses agents ? Le gouvernement entamait les diverses ressources par anticipation ; avec son système de délégations sur les revenus arriérés, présents ou futurs, les impôts qui rentraient n’étaient que partiellement touchés par lui, et toutes les prévisions budgétaires se trouvaient en défaut. Dans les derniers jours de fructidor an IV (septembre 1796), les produits de coupes de bois sont cédés à la compagnie Rousseau, chargée de l’entreprise générale des fourrages de l’armée de Rhin-et-Moselle, à Collot, Caillard et Cie, « munitionnaires généraux des vivres-viandes des armées des Alpes et d’Italie », à Gouvy pour des fournitures de viandes salées à l’armée des côtes de l’Océan, et à d’autres encore. Dans ces traités on rencontre la formule suivante (Archives nationales, A F* iii 183) : « jusqu’à concurrence d’une somme de 150 000 fr. ou environ », « jusqu’à concurrence de 600 000 fr. effectifs ou environ », qui en dit long à elle seule sur la tolérance du gouvernement à l’égard des spéculateurs, surtout lorsqu’on songe que ceux-ci n’avaient souvent fourni que pour la moitié ou même le tiers de la somme qu’on leur attribuait.

Le 11 frimaire an V (1er décembre 1796), le Directoire approuve un traité qui cède à Gobert, Lanoue, Barillon et Cie, entrepreneurs généraux des fourrages de l’armée du Nord, « le produit des coupes ordinaires de bois qui seront adjugées » dans douze départements ; s’ils se rendent eux-mêmes adjudicataires, ils pourront donner leurs ordonnances en payement ; total : zéro pour le Trésor. J’ai mentionné précédemment, comme moyen de se procurer du numéraire, la cession à la compagnie Ragueneau, le 13 frimaire (3 décembre), du produit de la vente des coupes de bois, en l’an V, dans dix-sept départements. Au début de l’an VI, le 29 vendémiaire (20 octobre 1797), le produit des coupes de bois ordinaires de l’an VI dans seize départements est délégué, jusqu’à concurrence de 4 millions 800 000 fr., à l’entre-