Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/460

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prise des transports, pendant cette même année, de l’artillerie de l’armée d’Allemagne ; le 27 frimaire (17 décembre 1797), une cession semblable était consentie pour neuf départements. La même opération fut faite d’une manière encore plus complète pour l’an VII, au bénéfice, le 1er brumaire (22 octobre 1798) de la compagnie Thierry, le 27 brumaire (17 novembre) de Blanchard aîné, le 19 frimaire (9 décembre) de la compagnie Moïse Mayer (Archives nationales, A F* iii, 183 et 186).

En sus d’une cession de coupes de bois, Woutters, Delannoy et Cie, « munitionnaires des vivres-viandes des armées du Nord et de Sambre-et-Meuse », obtenaient, par traité ratifié le 3 frimaire an V (23 novembre 1796), une délégation sur les recettes du receveur des domaines de la République française en Hollande. Le 7 prairial an VI (26 mai 1798), Delamarre, commissaire pour les approvisionnements de la marine à Copenhague, était autorisé à toucher et à garder, jusqu’à concurrence de 600 000 fr., en payement de fournitures, ce qui pourrait être dû à la République dans le Nord. On ne se contentait pas d’agir ainsi pour les coupes de bois et pour diverses recettes spéciales, nous allons voir qu’on agissait de même pour les contributions (Idem).

Par traité du 27 brumaire an VII (17 novembre 1798), Carrié et Bezard, banquiers à Paris, recevaient une délégation sur le produit des contributions arriérées de l’an V et de l’an VI. Le 27 ventôse an VII (17 mars 1799), traité avec Martigny s’obligeant à verser 12 millions, dont 8 en valeurs disponibles et 4 en ordonnances de l’an V qui, certainement, ne coûtaient cher qu’au Trésor ; en revanche, « tout ce qui reste à recouvrer sur les contributions directes de l’an V et années antérieures demeure affecté au remboursement de cette somme ; le déficit, s’il y en a, sera rapporté subsidiairement sur les contributions de l’an VI et enfin sur celles de l’an VII ». La contribution foncière de l’an VII dans un département avait été, le 7 pluviôse an VII (26 janvier 1799), déléguée à Félix, entrepreneur de la manufacture d’armes de Maubeuge, jusqu’à concurrence de 1 million 800 000 fr. Une délégation de 6 millions sur la contribution de l’an VII fut donnée, le 25 prairial an VII (13 juin 1799), à la compagnie Rochefort. D’autres traités de ce genre profitèrent à Fulchiron et Cie, J. Récamier, Geyler, Jordan et Cie, Doyen, Durieux et Cie, Dallarde et Cie, Germain, Ch. Davillier, Hamelin (Idem, A F* iii, 186 et 190), enfin, et je ne signale que les principaux, à Ouvrard dont, sous Louis XVIII, le comte de Rochechouart épousa l’argent et la fille. C’est Ouvrard qui, au début du Directoire, répondait « sérieusement » à Barras invoquant le patriotisme : « Cela n’est pas dans le cahier des charges » (Histoire secrète du Directoire, de Fabre (de l’Aude), t. 1er, p. 113) ; il était, du reste, loin de se montrer, pour le cahier des charges, aussi respectueux que ce mot paraîtrait l’indiquer, « calculant combien de soldats devaient mourir de faim pour que certains marchés lui rapportassent un gros gain, avec autant de sang-froid que s’il se fût agi de l’achat d’une terre » (Idem, t. II, p. 36).