Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/46

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dans la nuit du 21 vendémiaire (12 octobre), le président du club, le citoyen Legray, était arrêté. La sœur de Marat, Albertine, protesta aussitôt contre cette arrestation dans une lettre adressée à Fréron et que publia Babeuf dans son n° 27 (22 vendémiaire-18 octobre). Les Jacobins se crurent adroits en adoptant une autre tactique ; ils allèrent, le 23 vendémiaire (14 octobre), à la Convention pour la complimenter sur son adresse du 18 et l’engager à maintenir le gouvernement révolutionnaire « dans toute son intégrité ». Cela ne devait pas les sauver et, le surlendemain de leur visite (16 octobre), sur la proposition des trois comités de salut public, de sûreté générale et de législation, la Convention adoptait un décret prohibant les affiliations,fédérations et correspondances entre sociétés sous quelque dénomination qu’elles existassent, et les pétitions ou adresses collectives ; ce décret ordonnait l’arrestation et la détention de ceux qui signeraient comme présidents ou secrétaires ces adresses ou pétitions, la communication à un agent de l’administration des noms, lieu de naissance, profession, domicile, avant et depuis le 14 juillet 1789, et date d’admission de tous les membres des diverses sociétés. Voilà pour la liberté de réunion, et voici, en outre, pour la liberté de la presse :

Le 22 vendémiaire (13 octobre) le comité de sûreté générale signait contre Babeuf un mandat d’arrêt et d’incarcération « jusqu’à nouvel ordre » à la prison du Luxembourg ; mandats également, le 3 brumaire (24 octobre), contre les président et secrétaires du club électoral ; le 5 (26 octobre), Merlin (de Thionville) faisait à la Convention la communication suivante, aussitôt approuvée : « Babeuf qui avait osé calomnier la Convention, qui avait été condamné aux fers, Babeuf a été se réfugier dans le sein du club électoral où il a fait un discours encore plus séditieux que le premier. Le club l’a accueilli et en a ordonné l’impression par un arrêté pris en nom collectif. Conformément à la loi, le comité de sûreté générale a fait arrêter Babeuf, le président et les secrétaires du club pour avoir signé un arrêté pris en nom collectif, et les scellés ont été apposés sur les papiers du club ». La société des Jacobins, à son tour, n’avait plus longtemps à vivre.

En dehors d’un club fondé rue de Clichy peu après le 9 thermidor (Levasseur [de la Sarthe], Mémoires, t. IV, p. 83) pour combattre les Jacobins au point de vue réactionnaire, leurs adversaires les plus militants se recrutaient parmi les jeunes gens. Ceux qui donnaient le ton étaient quelques fils d’anciens nobles prudemment ralliés à la République et momentanément Girondins, et de riches tripoteurs n’ayant d’autre opinion que de n’être pas entravés dans leurs tripotages ; les suivait cette partie de la jeunesse toujours empressée à singer l’aristocratie oisive et à se conformer à la mode pour les opinions et les mœurs comme pour l’habillement, clercs, commis de marchands et de banquiers. C’est ce qu’on appela après Thermidor la jeunesse dorée. Elle se réunissait au Palais-Royal, centre alors de toutes les soi-disant élégances et par suite de toutes les corruptions. Fréron était son journaliste préféré. Les