Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/471

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D’ailleurs, les restitutions d’immeubles parisiens nationalisés ont été nombreuses dès l’an III ; je signalerai l’arrêté du bureau du domaine du 19 ventôse (9 mars 1795) rendant plusieurs maisons au fils de l’émigré d’Aligre, ancien premier président du parlement de Paris et encore vivant à cette époque ; celui du 2 germinal (22 mars) rendant une maison de la rue des Bons-Enfants aux héritiers de Lavoisier — les héritiers d’autres anciens fermiers généraux obtinrent la même faveur ; celui du 6 messidor (24 juin) rendant une demi-douzaine de maisons au moins à la veuve d’Anisson-Dupéron, ancien directeur de l’imprimerie royale ; celui du 7 messidor (25 juin) rendant une maison de la rue Caumartin à la veuve Leclerc de Buffon, fils de l’illustre écrivain ; celui du 11 messidor (29 juin) rendant plusieurs maisons aux héritiers de Bochard de Saron, ancien premier président du parlement de Paris ; celui du 6 fructidor (23 août 1795) rendant plusieurs maisons également aux héritiers de Marbeuf, l’ancien gouverneur de la Corse mort avant la Révolution. Au nombre des restitutions opérées après l’an III, se trouve celle d’une maison, rue Basse-du-Rempart, — rue incorporée aujourd’hui au côté nord du boulevard de la Madeleine — à Necker par arrêté du 13 thermidor an VI (31 juillet 1798).

Dans ce qui fait aujourd’hui partie de Paris et qui était alors la banlieue, comme dans la banlieue actuelle, les terrains nationalisés furent mis en vente en lots très morcelés, représentant fréquemment moins de 1,000 mètres carrés. Ici encore c’est la petite bourgeoisie qui me paraît fournir la plupart des acquéreurs ; mais à côté de ses achats représentant, le plus souvent en plusieurs lots, moins de 35 ares chacun, on relève des achats à la fois plus rares et plus importants de la moyenne bourgeoisie ou même d’anciens nobles. Ainsi, pour les terrains de Montmartre provenant de la ci-devant fabrique, adjugés le 24 et le 29 fructidor an II (10 et 15 septembre 1794), il y a, dans le premier cas, 5 cultivateurs, 2 meuniers, 1 plâtrier, 1 épicier, 1 agent national, ne prenant guère à eux dix qu’une fois et demie ce que prit à lui seul un entrepreneur de bâtiments ; si deux des cultivateurs et un des meuniers précédents firent de nouvelles petites acquisitions, le 9 vendémiaire an III (30 septembre 1794), à Bains-sur-Seine (Saint-Ouen), le même entrepreneur acheta de nouveau à Franciade (Saint-Denis), le 13 pluviôse an III (1er février 1795), et à Aubervilliers le 6 prairial suivant (25 mai). À Auteuil, le 18 pluviôse et le 7 ventôse an III (6 et 25 février 1795), le duc Antoine César de Choiseul-Praslin faisait acheter par un homme de loi, près de la route de Versailles, 8 arpents et demi (un peu plus de 4 hectares en comptant l’arpent égal à 5 107 mètres carrés) provenant de l’abbaye de Sainte-Geneviève de Paris, pour 64 000 livres. Je ne me dissimule pas l’insuffisance de ces détails puisés aux sources mêmes et complètement omis jusqu’ici dans les histoires générales de la Révolution ; à mesure que se multiplieront les publications de documents sur le mouvement de la propriété en France à la fin