Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/475

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française avait quitté Toulon et reçut, le 7 juin, un renfort de dix vaisseaux : le gouvernement anglais avait sollicité, le 3 avril, le secours de la marine russe et, le 22, Paul Ier répondait favorablement, promettant dix vaisseaux et cinq frégates pour protéger les côtes de la Grande-Bretagne, ce qui avait permis d’augmenter les forces anglaises de la Méditerranée. À tout hasard, Nelson, informé par un brick rencontré sur sa route du départ des Français de Malte, se dirigea vers l’Égypte ; suivant le littoral africain, il arriva, le 28 juin, à Alexandrie d’où, n’ayant rien appris sur la flotte française, il repartit le jour même dans la direction du Levant, revint sur la Crète et sur la Sicile et entra dans le port de Syracuse le 20 juillet, sans avoir pu savoir où cette flotte était passée. Le gouvernement napolitain hésita en apparence et consentit en réalité à le laisser se ravitailler ; le Moniteur du 23 juillet 1806 (p. 936) a publié un codicille du testament de Nelson où il est dit : « nous entrâmes à Syracuse, nous y trouvâmes des provisions » sans lesquelles la flotte « n’aurait pu retourner une seconde fois en Égypte ». Le 25 juillet, il quitta Syracuse, se portant vers l’Archipel ; puis, sur un renseignement fourni par des navires marchands, il retourna en hâte à Alexandrie et, le 1er août, aperçut enfin la flotte française près de cette ville.

Les trois alternatives prévues par Bonaparte pour la flotte, — qu’il tenait à garder à sa disposition, désirant rentrer en France à l’automne (de La Jonquière, t. II, p. 89) — étaient, dans l’ordre de ses préférences, l’entrée dans le port d’Alexandrie, le mouillage à Aboukir, le départ pour Corfou. Par crainte des bas-fonds d’Alexandrie, la deuxième solution l’emporta, avec l’assentiment de Bonaparte, et l’escadre atteignit, le 19 messidor (7 juillet), la rade d’Aboukir où elle occupa une position défavorable en cas d’attaque. Le 1er août même (14 thermidor), dans la soirée, Nelson engagea la bataille. Le lendemain matin, la flotte française était ou détruite ou capturée ; si Nelson fut blessé, Brueys fut tué à son poste ; incendié, le vaisseau amiral, l’Orient, sauta avec son commandant Casabianca blessé et le fils de celui-ci, brave enfant de dix ans qui refusa d’abandonner son père ; deux vaisseaux et deux frégates de l’arrière-garde, sous les ordres du contre-amiral Villeneuve, purent seuls échapper et gagner Malte. Bonaparte a essayé depuis de rejeter la responsabilité de ce désastre sur Brueys « coupable d’avoir désobéi ». Ce reproche semble tout à fait injustifié (voir de La Jonquière, t. II, p. 86-92, 321-323, 422-432).

Après avoir réparé ses avaries, Nelson partit, le 19 août, pour Naples où il arriva le 22 septembre, il laissait seulement trois vaisseaux et trois frégates pour surveiller la mer et bloquer les ports d’Égypte. La France, elle, n’avait plus de flotte dans la Méditerranée ; Bonaparte se trouvait enfermé dans sa conquête au moment où, en annonçant son entrée au Caire, le Directoire se décidait à s’expliquer officiellement sur son expédition. D’après le message lu au Conseil des Cinq-Cents, le 28 fructidor an VI (14 septembre