Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/474

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des envahisseurs, étaient victimes des Mameluks, ils n’étaient nullement disposés à se soulever en faveur de gens dont, malgré tout, ils suspectaient les intentions, et qui purent les intimider, non les séduire ; Bonaparte en fut pour ses frais d’éloquence hypocrite.

Kleber, qui avait été blessé au moment de l’escalade de la muraille, resta à Alexandrie avec 3.000 hommes, et Bonaparte, qu’avait précédé la division Desaix, marcha, le 19 messidor (7 juillet), sur le Caire par le désert de Damanhour, dans la traversée duquel les soldats eurent beaucoup à souffrir du manque d’ombre et d’eau. Ils atteignirent enfin Ramanieh, presque en face de Damanhour, sur le Nil de Rosette, où ils furent ravitaillés par une flottille qui, chargée de vivres et de munitions, avait remonté le fleuve et devait continuer à le remonter. Après deux combats sans importance contre les Mameluks, le 22 messidor (10 juillet) à Ramanieh et le 25 (13 juillet) un peu plus loin, à Chobrakhit ou Chebreis, ils continuèrent à remonter le Nil ; le 3 thermidor (21 juillet), ils arrivèrent, non sans avoir éprouvé de rudes fatigues, près du village d’Embabeh, non loin du Caire, où Mourad s’était établi ; au loin se dressaient les Pyramides de Gizeh dont on donna le nom à la bataille du 3 thermidor. Formés en carrés, nos soldats résistèrent aux opiniâtres attaques des cavaliers turcs qu’ils assaillirent à leur tour et décimèrent ; 1 500 à 2 000 Mameluks furent tués ou se noyèrent dans le Nil. Comme ils avaient de très belles armes et des pièces d’or dans les ceintures, les soldats firent un grand butin : « L’armée commença alors à se réconcilier avec l’Égypte » (général Gourgaud, Mémoires pour servir à l’histoire de France sous Napoléon, t. II, p. 242-243). Le 4 thermidor (22 juillet), dans la soirée, les troupes entraient au Caire. Mourad s’était enfui dans la Haute Égypte où Desaix allait bientôt le poursuivre. Ibrahim battit en retraite du côté de la Syrie et s’établit vers Belbeis, à une vingtaine de kilomètres au sud de Sagasig ; Bonaparte se porta au devant de lui, et c’est à plus de cinquante kilomètres au nord-est de cette dernière ville, au delà de Salihieh, où il le battit, qu’il le fit reculer (24 thermidor-11 août). L’Égypte paraissait conquise ; triomphant, Bonaparte, en route pour rentrer au Caire (26 thermidor-13 août), apprenait le désastre naval d’Aboukir.

L’Angleterre avait naturellement connu les armements de la France en vue d’une descente sur ses côtes ; aussi avait-elle tout d’abord rappelé ses vaisseaux dans l’Océan, n’immobilisant devant Brest et Cadix que les forces suffisantes pour bloquer la flotte française et la flotte espagnole ; les navires anglais avaient disparu de la Méditerranée ; l’île d’Elbe était évacuée depuis un an (18 mars 1797). Ignorant cependant le but immédiat des préparatifs faits à Toulon, l’amiral Jerwis détacha, de Cadix, le 2 mai, Nelson chargé, avec trois vaisseaux et quatre frégates, de surveiller l’escadre française. Éloigné des côtes de Provence le 19 mai par un coup de vent, Nelson, après avoir réparé ses avaries près des côtes de Sardaigne, apprit que l’escadre