Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/492

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y reçut bientôt des lettres de Paris du 13 et du 16 (1er et 4 juillet) ; elles n’insistaient plus sur la mission qui lui avait été précédemment confiée, ne lui imposaient cependant pas un nouveau plan et paraissaient favorables à son retour dans l’Atlantique. Aussi Bruix levait l’ancre le 9 thermidor (27 juillet) ; il était un peu plus tard suivi par Mazarredo, qui avait été d’abord très irrésolu, et leurs 40 vaisseaux atteignaient Brest le 21 (8 août).

Keith ne s’était pas douté de la manœuvre de Bruix à la sortie de Vado ; il avait, durant plusieurs jours, croisé à sa recherche entre la Corse et les Baléares, et ce fut ainsi qu’il captura, le 30 prairial (18 juin), la division du contre-amiral Perrée qui, après être allée aux environs de Saint-Jean d’Acre, avait fait voile vers l’Europe. Ayant relâché à Port-Mahon, Keith apprenait la jonction des deux flottes espagnole et française et se jetait à leur poursuite ; à la tête de 31 vaisseaux, il passait le détroit de Gibraltar (30 juillet) et n’était plus très loin d’elles lorsqu’elles entrèrent à Brest où, étroitement bloquées, elles devaient rester jusqu’à la fin de la guerre. Parmi les quelques combats isolés qui eurent lieu sur mer vers cette époque, je signalerai celui du 24 frimaire an VII (14 décembre 1798), de la corvette la Bayonnaise, revenant de Cayenne et se rendant à Rochefort, contre la frégate anglaise Ambuscade, ancien navire français pris et remis en état par les Anglais ; après une lutte héroïque, la corvette s’empara de la frégate, mais fut si gravement atteinte qu’elle dut rentrer dans la rade de l’île d’Aix remorquée par sa prise.

À Saint-Domingue, nous étions en train d’être évincés par Toussaint Louverture. Le Directoire, autorisé par la loi du 5 pluviôse an IV (25 janvier 1796), à envoyer des agents dans les colonies, avait chargé les citoyens Roume, Raymond, Leblanc, Giraud et Sonthonax, désigné comme président de cette commission, de se rendre à Saint-Domingue. Sonthonax, qui avait vu, en effet, le 3 brumaire an IV (25 octobre 1795), sa mise en liberté provisoire (chap. ix) déclarée définitive et les accusations formulées contre lui par les propriétaires d’esclaves ou leurs amis réduites à néant, arrivait dans l’île le 22 floréal an IV (11 mai 1796). Quelque temps avant, le 30 ventôse (20 mars 1796), le gouverneur intérimaire Laveaux avait été pris et emprisonné par une bande de mulâtres ; bientôt relâché et réintégré dans ses fonctions, grâce à l’intervention de Toussaint, il avait, par reconnaissance, nommé celui-ci « lieutenant au gouvernement général de la colonie ». Un décret de la Convention du 5 thermidor an III (23 juillet 1795) — précédemment mentionné (§ 2 du chap. xi) à propos du régime colonial — l’avait déjà nommé général de brigade, ainsi que le mulâtre Rigaud, en même temps que Laveaux était fait général de division. Enfin ce dernier grade ayant été bientôt accordé à Toussaint par les agents du Directoire, lui était reconnu par celui-ci le 30 thermidor an IV (17 août 1796), et tout contribuait de la sorte à accroître son autorité.