Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/495

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triche à Vienne un traité d’alliance défensive suivi d’une augmentation de son armée ; le 11 juin, convention secrète avec l’Angleterre suivie d’une nouvelle augmentation. Le parti de la guerre immédiate, à la tête duquel étaient la reine et sa favorite Emma Hamilton, profita de la victoire navale d’Aboukir, puis de la présence du vainqueur à Naples avant et après la prise de l’île de Gozzo, pour triompher des dernières hésitations du roi, qu’avait rendu indécis la résolution de l’Autriche de ne pas encore entrer en campagne. Si la cour de Vienne se refusait pour l’instant à prendre l’offensive, elle voulut au moins contribuer à assurer le succès de l’armée napolitaine en mettant à la disposition de Ferdinand IV le général Mack. Avec les 60 000 hommes environ placés sous ses ordres, ce dernier prépara l’envahissement du territoire de la République romaine défendu effectivement par 19 000 Français. À la nouvelle des rassemblements que les Napolitains opéraient sur la frontière romaine, le Directoire, à la fin de vendémiaire (milieu d’octobre), sur le conseil de Joubert sous les ordres duquel il était à l’armée de Mayence, désigna pour le commandement de l’armée de Rome, reconstituée comme armée à part et qui allait devenir l’armée de Naples, Championnet, arrivé à Rome le 28 brumaire an VII (18 novembre 1798). Le 3 frimaire (23 novembre), l’État romain était envahi par les Napolitains qui, tout en déclarant n’en vouloir qu’aux sujets du pape insurgés contre leur souverain, ajoutaient que la résistance des Français serait considérée comme une déclaration de guerre. Macdonald, qui avait succédé à Rome à Gouvion Saint-Cyr (chap. xvi, § 2), avait appris avec mauvaise humeur la nomination de Championnet. On trouve dans la Revue d’histoire rédigée à l’état-major de l’armée la preuve de sa « susceptibilité jalouse », « des bruits calomnieux » lancés contre Championnet, de son « dépit » (février 1903, p. 336, 338, 354), de son « plan » pour le « supplanter » (Idem, avril 1903, p. 724) ; et dans « le procès pendant jusqu’aujourd’hui entre ces deux hommes » (Idem, p. 727), il me paraît que les torts ont été du côté de Macdonald. À l’actif de Championnet, je rappellerai son bel ordre du jour du 19 frimaire (9 décembre) : « Le général en chef… malgré les horreurs commises par les Napolitains envers nos prisonniers et nos blessés, arrête : art. 1er. — Tous les prisonniers napolitains seront traités avec toute l’humanité que l’on doit à un ennemi vaincu ou désarmé… » (Idem, p. 735).

Le 5 frimaire (25 novembre), ne laissant que 800 hommes dans le château Saint-Ange, il faisait évacuer Rome et se repliait sur Civita Castellana, petite place fortifiée au sud-est de Viterbe ; le 9 frimaire (29 novembre), Ferdinand IV entrait à Rome en triomphateur, les partisans de la République étaient outragés et emprisonnés, les restes de Duphot outragés et le pape invité à revenir « sur les ailes des chérubins » (Revue d’histoire rédigée à l’état-major de l’armée, février 1902, p. 320) ; mais la sainte horreur des pelles existait déjà et ce voyage sensationnel n’eut pas lieu. Les Napolitains avan-