Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/505

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ministre de la guerre Scherer, en frimaire-décembre (Sciout, Le Directoire, t. IV, p. 36), par suite aussi de nombreuses désertions (circulaires de Scherer des 13, 15 et 19 nivôse an VII-2, 4 et 8 janvier 1799, dans le Moniteur des 26 et 28 nivôse-15 et 17 janvier), elle ne fournit pas le nombre décrété.

Pour essayer de contrebalancer le revirement du tsar, Sieyès avait été le 19 floréal an VI (8 mai 1798), en remplacement de Caillard, nommé ambassadeur à Berlin, où il était arrivé le 11 messidor (29 juin), avec l’intention et la prétention d’amener Frédéric-Guillaume III à, une alliance offensive et défensive (voir Guyot et Muret, Revue d’histoire moderne et contemporaine, janvier 1904, p. 253-254). Mais le choix de Sieyès, qui n’avait pas été agréable au roi, n’était pas fait pour faciliter la tâche. Sieyès était un de ces hommes politiques ayant avant tout la prétention d’être pratiques, mais n’estimant d’avance pratique que ce qui concorde avec leurs opinions, leurs intérêts ou leurs appétits, se laissant alors égarer avec une facilité déconcertante par de vieilles apparences, par l’absolu d’idées fixes, par la rage de convoitises personnelles, sur le véritable sens de la réalité. C’est peu de temps après son arrivée à Berlin, qu’il devait émettre l’idée de réduire l’Angleterre au moyen du blocus continental (voir de Barante (Histoire du Directoire de la République française, t. III, p. 244 et Sieyès d’Albéric Neton, p. 340). Il fallut vite renoncer à l’espoir caressé et s’estimer heureux de la neutralité du roi de Prusse qui se méfiait de la France et de l’Autriche, s’entendant au moins pour lui cacher les articles secrets du traité de Campo-Formio, et que l’Autriche et la Russie s’efforçaient aussi d’entraîner de leur côté. Dans la crainte, inspirée par la marche des Russes, d’une guerre immédiate, le Directoire, qui était alors loin d’être prêt, avait, le 11 brumaire an VII (1er novembre 179S), écrit directement à Vienne, à l’empereur, offrant l’évacuation et la neutralisation des Républiques romaine et helvétique s’il consentait à renvoyer aussitôt les troupes russes, et se déclarant disposé à entrer tout de suite en négociation avec l’Angleterre et la Porte en vue de la pacification générale. La lettre parvint le 10 novembre à Vienne et fut communiquée le lendemain à l’ambassadeur de la Grande-Bretagne. Thugut et lui étaient partisans de la guerre ; mais, toujours pour gagner du temps, on répondit, le 12, que la réponse définitive serait donnée lorsque le cabinet de Londres, avisé, aurait fait connaître sa décision (Mémoires tirés des papiers d’un homme d’État [Hardenberg], t. VI, p. 384 à 386) qui, en l’état des choses, n’était pas douteuse.

Les Russes, en effet, avançaient pendant qu’au Congrès de Rastatt on continuait à amonceler les paperasses diplomatiques et que les choses y prenaient en apparence une tournure satisfaisante ; le 16 décembre, ils étaient à Brünn. Aussi, au moment où les petits princes de l’Empire attendaient avec une avide impatience le règlement de la question des indemnités, le 13 nivôse an VII (2 janvier 1799), les plénipotentiaires français, conformément