Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/531

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toire, nous allons le voir, le 20 floréal (9 mai), et élu au Conseil des Anciens : l’engouement pour les généraux a été de tout temps la source du despotisme militaire ».

Pendant que ces intrigues commençaient à se nouer, la deuxième coalition se formait, la reprise des hostilités apparaissait imminente et la loi du 3 vendémiaire (24 septembre) appelait, nous l’avons vu, 200 000 conscrits sous les drapeaux. Cette mesure, qui occasionna des troubles sur divers points du territoire, fut la cause d’un soulèvement général en Belgique. Dans ce pays annexé, les prêtres étaient très puissants ; on le savait et on les savait aussi à l’affût de tous les prétextes pour accroître l’agitation qu’ils s’attachaient depuis longtemps à entretenir. Il eût été sage, dans ces conditions, d’étendre à la Belgique l’exception qu’on consentit à faire, en vertu de l’art. 11 de la loi du 23 fructidor an VI (9 septembre 1798) sur les mesures pour la réquisition, « dans les départements de l’Ouest », au nombre de neuf (Vendée, Loire-Inférieure, Maine-et-Loire, Sarthe, Mayenne, Ille-et-Vilaine, Morbihan, Côtes-du-Nord, Finistère), et de ne pas plus appliquer dans la première que dans la seconde de ces régions la loi sur la levée des conscrits. C’est ce qu’avaient conseillé, mais en vain, les autorités républicaines locales. Du 21 vendémiaire au 15 frimaire (12 octobre au 5 décembre) éclatèrent dans toute la Belgique des insurrections parfois triomphantes ; ce qui décelait l’origine cléricale de la révolte, c’était l’empressement des insurgés à rétablir partout les croix, les signes extérieurs du culte catholique et les prêtres factieux. On eut raison de toutes ces émeutes qu’on aurait pu prévenir, et la répression fut impitoyable. Le clergé avait incontestablement été l’instigateur du mouvement ; il fut rigoureusement frappé. Un arrêté du Directoire du 14 brumaire an VII (4 novembre 1798) substitua aux arrêtés individuels prévus par l’article 24 de la loi du 19 fructidor an V (chap. xvii, § 1er) la proscription en masse du clergé belge séculier et régulier. D’après l’historien clérical du Directoire, M. Sciout (t. IV, p. 359-360), résumant les mesures prises contre les prêtres en Belgique depuis le 18 fructidor an V, « le nombre total des proscrits par le seul arrêté du 14 brumaire s’élève à 7 428, en outre près de 900 furent frappés à différentes époques par des arrêtés particuliers. Sans doute, on ne put arrêter tous ces proscrits, le plus grand nombre réussit à se réfugier à l’étranger ou à se cacher ».

On songea aussi à frapper les fructidorisés qui avaient esquivé la déportation et ceux qui s’étaient évadés (chap. xvii, fin du § 1er). Une loi du 19 brumaire an VII (9 novembre 1798) les assimila aux émigrés.

Les patriotes qui avaient été expulsés du Corps législatif en floréal an VI (mai 1798) et leurs partisans avaient continué une propagande à laquelle les fautes du Directoire, par eux dénoncées, les dilapidations de ses agents, les escroqueries tout au moins tolérées de ses fournisseurs, l’incurie de ses fonctionnaires dont le plus attaqué était peut-être l’ancien ministre Scherer,