Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/536

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22 floréal an VII (11 mai 1799), s’efforcer de faire certifier par les administrations municipales de plusieurs cantons qu’il y avait eu scission dans des assemblées primaires, alors que c’était faux, et, sur leur refus, le certifier eux-mêmes. Mais toutes ces manœuvres furent inutiles : le 1er germinal (21 mars), les assemblées primaires et, le 20 (9 avril), les assemblées électorales se prononcèrent en masse pour les adversaires républicains du Directoire. Celui-ci n’avait plus la ressource d’opérer contre eux par voie d’exclusion, comme il l’avait fait en floréal an VI (mai 1798) ; car il ne disposait plus d’une façon certaine de la majorité dans les Conseils. On en eut la preuve lors de l’examen des opérations électorales ; le système des scissions fut condamné, même par certains de ceux qui l’avaient approuvé l’année précédente, et, pour la première fois, les Cinq-Cents se préoccupèrent de faire triompher les « choix libres faits par les majorités » (séance des Cinq-Cents du 13 floréal an VII-2 mai 1799).

Le 20 floréal (9 mai), le Directoire procéda à la désignation, par voie de tirage au sort, du directeur sortant ; ce fut Reubell qui se trouva exclu : les Cinq-Cents n’achevèrent que le 24 floréal (13 mai), après trois tours de scrutin, de dresser la liste des dix noms parmi lesquels les Anciens auraient à choisir le nouveau directeur ; cette liste comprenait plusieurs opposants ; le 27 (16 mai), les Anciens élurent Sieyès par 118 voix, tandis que le candidat le plus agréable au Directoire, Duval, le ministre de la police, n’en obtenait que 74. Sieyès était à ce moment ambassadeur à Berlin. On le savait partisan obstiné de la revision d’une Constitution dont il n’était pas l’auteur ; ne voulant pas participer au fonctionnement de cette Constitution, il avait refusé, en brumaire an IV-novembre 1795 (chap. xii), de faire partie du Directoire ; son acceptation en 1799 signifia pour tous qu’on allait s’acheminer vers une modification de la loi constitutionnelle. À peine arrivé à Paris, il fut installé (20 prairial-8 juin) ; tout de suite il se montra aussi froid pour ses collègues que cordial à l’égard de certains députés de l’opposition, de Lucien Bonaparte en particulier, et il commença à manœuvrer pour s’assurer, dans le gouvernement de la France, la place prépondérante qu’il ambitionnait et que Bonaparte, en brumaire, devait lui souffler. Les modérés qui, en grand nombre, avaient été heureux de sa nomination, se rallièrent autour de lui.

À eux seuls, en effet, les républicains avancés, auxquels surtout était appliqué à cette époque, nous le savons, le nom de « patriotes », n’avaient pas la majorité dans les Conseils ; mais ils ne constituaient pas non plus toute l’opposition républicaine. On y trouvait à côté d’eux une fraction importante de modérés qui, alors sincèrement républicains pour la plupart, avaient compris le mal que faisait à la République un gouvernement plus ou moins sciemment complice des plus scandaleuses dilapidations. Ces modérés finirent par s’apercevoir que le Directoire, tel qu’il se trouvait composé, n’avait pu et ne pourrait se maintenir qu’en opposant les républicains les uns aux autres, et