Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/570

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trée de ces billets qui, malgré tout, perdaient bientôt près d’un quart à vingt jours de date. Le produit de l’emprunt ne semblait pas devoir atteindre au montant de ces engagements anticipés, le déficit était énorme, et les Conseils n’avaient pas encore pris de résolutions définitives sur les moyens d’assurer le service de l’an VIII, lorsque eut lieu le coup d’État.

Nous avons vu (chap. xx) que le parti qui triompha aux élections de l’an VII manifesta, avant le 30 prairial, le souci d’obvier aux dilapidations, aux spéculations, au désordre des finances. Ses orateurs revinrent fréquemment sur ces sujets, ce fut notamment le cas de Poullain-Grandprey au Conseil des Cinq-Cents. Le 14 vendémiaire an VIII (6 octobre 1799), il préconise des mesures de nature à assurer la régularité, le contrôle et la rapidité de la comptabilité publique. Le 23 (15 octobre), il propose une réforme qui a été accomplie depuis : aux contribuables en retard, on imposait alors le logement et l’entretien, pendant un certain délai, d’un individu qui était le garnisaire : « Qui ne sait, dit-il, que les frais de garnisaires s’élèvent à plus de 25 millions et que cette énorme charge ne pèse que sur les citoyens les moins aisés ? Nous vous proposons d’abolir cette méthode ruineuse, et d’y substituer des saisies qui n’auront lieu qu’après plusieurs avertissements et qui ne pourront coûter au contribuable au delà de 3 fr. » Ses propositions de réformes financières n’étaient, du reste, pas toujours aussi heureuses. Le 11 et le 29 vendémiaire (3 et 21 octobre), il développait un nouveau mode de recouvrement des contributions et, pour réaliser des économies, il proposait de supprimer les agents de l’État, à l’exception des receveurs généraux, et d’adjuger au rabais la perception des contributions directes avec obligation, pour l’adjudicataire, de fournir un cautionnement en immeubles. Dans la même séance où il réclamait la suppression des garnisaires, il s’occupait du régime des salines appartenant à l’État. Il a été dit précédemment (début du § 8, chap. iii) que les salines de l’Est, après avoir été exploitées en régie, avaient été, en brumaire an VI (novembre 1797), affermées à une société privée ; or Poullain-Grandprey, combattant à la fois la régie et l’affermage, demanda la vente des « salines nationales de l’Est », des « marais salants nationaux » et des « salins connus sous le nom de salins de Peccais », village du Gard, sur la Méditerranée, au sud d’Aigues-Mortes, tout cela au nom des avantages très exagérés de la concurrence. Comme certains radicaux de nos jours, la plupart des Jacobins associaient plus aisément que rationnellement l’individualisme économique à l’étatisme politique.

Une loi du 12 vendémiaire an VIII (4 octobre 1799) visa aussi à rétablir l’ordre dans les comptes des diverses administrations. Une autre loi du même jour ordonnait à tout entrepreneur, fournisseur, soumissionnaire, de rendre « un compte général et définitif, appuyé de pièces justificatives, du service dont il a été chargé », et prévoyait le cas de restitution. « La loi ne fut pas exécutée », constate M. Stourm (Les finances de l’ancien régime et