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de la Révolution, t. II, p. 352). Il n’ajoute pas que, trente-six jours après le vote de cette loi, Bonaparte était le maître ; la faute signalée par lui incombe, dès lors, tout entière à ce gouvernement qui, à l’en croire (Idem, p. 498), « rompit absolument avec les errements de la Révolution ».

CHAPITRE XXII

COUP D’ÉTAT DU 18 BRUMAIRE AN VIII

(vendémiaire à brumaire an VIII — octobre à novembre 1799).

L’ancien Directoire avait songé, le 7 prairial (26 mai), à rappeler Bonaparte en France (chap. xix § 1er  et chap. xx) ; trois mois et demi après, le nouveau Directoire revenait à cette idée. Le mode d’exécution seul changeait ; ce n’était plus sur Bruix et sur la flotte qu’on comptait pour opérer ce retour, c’était sur des négociations avec la Porte, en vue de l’évacuation de l’Égypte, par l’intermédiaire de M. de Bouligny, ministre d’Espagne à Constantinople. Le Directoire écrivait à Bonaparte, le 2e jour complémentaire de l’an VII (18 septembre 1799), pour le mettre au courant de la situation et ajoutait : « Le Directoire exécutif, général, vous attend, vous et les braves gens qui sont avec vous. Il ne veut pas que vous vous reposiez exclusivement sur la négociation de M. de Bouligny ; il vous autorise à prendre, pour hâter et assurer votre retour, toutes les mesures militaires et politiques que votre génie et les événements vous suggéreront » (Boulay de la Meurthe, Le Directoire et l’expédition d’Égypte, p. 316).

À ce moment, les armées de la coalition étaient victorieuses ; le Directoire connaissait, par les journaux anglais, la levée du siège de Saint-Jean-d’Acre, et c’était tout ; il en était réduit à présumer que Bonaparte était retourné en Égypte. Le 13 vendémiaire an VIII (5 octobre 1799), il pouvait communiquer au Corps législatif une lettre de Bonaparte du 10 thermidor (28 juillet) qui annonçait la défaite des Turcs à Aboukir ; d’autre part, le 18 (10 octobre), un message était lu aux Cinq-Cents et aux Anciens annonçant le succès de Brune et la déroute définitive de Souvorov connue la veille par dépêche.

Du coup, le gouvernement français fut moins pressé de traiter avec la Porte battue et de faire rentrer Bonaparte ; il allait, en conséquence, lui donner des pouvoirs illimités pour négocier seul avec la Porte et ne pensait pas le revoir avant le printemps prochain, lorsqu’on apprit tout à coup — le Directoire le sut le 21 vendémiaire (13 octobre) à cinq heures du soir — que, le 17 vendémiaire (9 octobre), il avait débarqué dans la baie de Saint-Raphaël près de Fréjus, où — ce qui n’aurait probablement pas été possible à Toulon par exemple — il échappa à l’application des règlements sanitaires qui