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de tels prisonniers, se contentèrent de rapporter, en guise de trophée, la bannière de la patronne qui les avait si mal protégés ».

Le comité de salut public craignant, après la chute de Robespierre, des insurrections comme après la chute des Girondins, avait, par arrêté du 10 thermidor (28 juillet) parvenu le 18 (5 août), prescrit d’arrêter toutes les opérations. C’est ainsi qu’à l’offensive prise depuis floréal (avril), succéda un mouvement général de retraite qui, les généraux piémontais s’efforçant de le troubler, donna lieu, le long de la chaîne des Alpes, à des engagements incessants dans lesquels les avantages se balanceront sans grande importance. Alors même qu’on avait ordre de rester sur la défensive, on était dans la nécessité de refouler l’ennemi pour fournir aux troupes les moyens d’existence. Aussi, le 1er vendémiaire an III (22 septembre 1794), à la suite de plusieurs combats, l’armée des Alpes occupait Cairo et Dego, tandis que Du Merbion s’avançait jusqu’à Vado. Effrayé, l’archiduc Ferdinand rappelait précipitamment les troupes autrichiennes à Alexandrie. L’hiver, long dans cette région montagneuse, fut calme sous le rapport des hostilités ; mais nos soldats dépourvus de tout et malades souffrirent beaucoup. Scherer avait été, le 13 brumaire (3 novembre), nommé au commandement de l’armée d’Italie en remplacement de Du Merbion qui obtenait sa retraite ; mais, désigné le 13 ventôse (3 mars 1795) pour commander l’armée des Pyrénées orientales, il remettait, le 16 floréal (5 mai), le commandement à Kellermann replacé à la tête des armées des Alpes et d’Italie par le même décret ; celui-ci avait été acquitté par le tribunal révolutionnaire le 18 brumaire an III (8 novembre 1794).

Dans les Pyrénées orientales, où le général en chef était Dugommier, les Espagnols avaient été, dès messidor (début de juillet 1794), chassés de partout, sauf du fort de Bellegarde qui domine le Perthus et se trouvait bloqué. Le 24 thermidor (11 août), pour répondre à la lettre par laquelle le général en chef espagnol La Union avait refusé de ratifier la capitulation de Collioure, signée le 7 prairial (26 mai) par le général Navarro, et de remettre en liberté les prisonniers français, la Convention avait pour la seconde fois rendu un décret de guerre à mort. Mais, tandis que, dans le décret du 7 prairial an II (26 mai 1794), elle s’était bornée à dire trop durement et trop sommairement : « Il ne sera fait aucun prisonnier anglais ou hanovrien », dans celui du 24 thermidor elle s’efforçait d’établir qu’il n’y avait de sa part que représailles, et voici comment elle s’exprimait à oe sujet :

« Art. 5. — À défaut par le général en chef de l’armée espagnole d’exécuter sur-le-champ la capitulation de Collioure en restituant les prisonniers français, la Convention nationale décrète qu’il ne sera plus fait de prisonniers espagnols, et que les prêtres et les nobles espagnols seront pris en otage dans tous les lieux où se porteront les armées des Pyrénées orientales et occidentales.

« Art. 6. — La Convention nationale dénonce à tous les peuples le gé-