Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/67

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appointées qui n’en veulent au tant pour cent que lorsqu’elles ne le palpent pas, comme toute armée qui n’est pas mue par une idée telle que la défense du sol et de la République pendant la grande période révolutionnaire, Vendéens et Chouans en arrivèrent à n’avoir d’autre mobile que le gain ; M. Bittard des Portes avoue, parmi les officiers de Charette, des hommes « qui n’aiment que la guerre et ses brutales satisfactions » (Ibidem, p. 458). Dès que le gain leur manqua, dès qu’ils n’eurent plus la possibilité de se livrer aux débauches dont ils avaient pris l’habitude, — Charette avait besoin pour ses hommes de « barriques d’eau-de-vie » (Ibidem, p. 367, 368, 375) — les rebelles royalistes et cléricaux ne tardèrent pas à être profondément découragés.

Je trouve la confirmation de ce qui précède dans le tome Ier des Mémoires du général d’Andigné publiés par M. Biré. Après avoir constaté l’influence prépondérante des prêtres qui s’exerça parfois pour, mais surtout contre la Révolution, d’Andigné ajoute (p. 157) : « Ces provinces sont parsemées de petites villes, de gros bourgs, où habitaient un grand nombre de petits bourgeois qui, avant la ; Révolution, ne possédaient aucune propriété. Ces hommes habitués à trouver leur existence dans leur industrie, étaient devenus le plus souvent les vampires du peuple des campagnes. Les fermes à mi-fruit étaient en partie dans leurs mains, ainsi que le commerce des bestiaux, des grains et autres denrées… C’est particulièrement dans cette classe que les Vendéens trouvaient leurs ennemis les plus acharnés ». Il reconnaît cependant (p. 162) que « l’esprit de la Révolution » comptait des partisans chez les « cultivateurs de l’Ouest », chez ceux sans doute qui bénéficiaient du nouveau régime : « La terreur — qu’on remarque le mot et l’aveu de la chose fut l’arme dont on se servit pour réprimer ceux qui se montraient ouvertement les ennemis de la cause royale. Les patriotes furent tous obligés de se soumettre aux règlements établis par les royalistes, ou d’abandonner leurs biens pour se réfugier dans les villes. Des exemples terribles ôtèrent l’envie de nuire à ceux qui préférèrent rester dans leurs foyers ». Si les personnes étaient, les propriétés des amis n’étaient pas plus favorisées que celles des adversaires : les capitaines ou officiers insurgés subalternes, c’est-à-dire ceux qui n’étaient pas nobles, « partageaient entre leurs soldats les revenus de leurs paroisses, après en avoir prélevé ce qui était nécessaire pour les besoins communs » (p. 167) ; plus tard même (p. 283) : « Il ne restait rien : pour les dépenses communes,… pour y subvenir les chefs étaient obligés d’imposer aux soldats : le sacrifice d’une petite partie de ce qu’ils s’étaient accoutumés à regarder comme leur propriété. L’habitude de jouir les rendait plus avides de jour en jour ; ils refusèrent bientôt de reconnaître les droits, que les ecclésiastiques avaient voulu s’attribuer ». Il juge lui-même que les curés avaient des « prétentions exagérées » (p. 284) ; mais il compatit davantage au malheur des nobles émigrés dans la catégorie desquels il rentrait et trouve (p. 167) que « cette administration monstrueuse entraînait des abus