Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/70

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un faussaire accompli, digne ancêtre de ceux qui, moins dégénérés que ne le prétendent de mauvaises langues, se sont affichés (1898) félicitant un traître et glorifiant un faux. Ce qu’il fallait pour maintenir les bandes des pieux catholiques et des fidèles royalistes, c’était de l’argent. Déjà Puisaye et d’autres chefs avaient opéré avec de faux assignats assez grossièrement imités : la fabrique de faux assignats était avouée à la date du 20 septembre (Chassin, La Vendée patriote, t. IV, p. 564) ; il proposa à Pitt de procéder à une meilleure fabrication et d’organiser une descente sur les côtes de France dont les Anglais conserveraient certains points à leur convenance (Chassin, Les Pacifications de l’Ouest, t. Ier, p. 4 et 15). Le respectable Pitt accepta avec empressement les offres de l’honnête Puisaye. L’annonce d’une prochaine expédition anglaise poussant les rebelles à ménager leurs forces pour cette époque que la distribution d’or anglais allait leur permettre d’attendre dans de dévotes et monarchiques orgies, les disposait à accepter par hypocrisie cette suspension des hostilités à laquelle, avant les concessions imbéciles des thermidoriens, ils aspiraient par nécessité. Charette ayant fait faire le recensement de tous les approvisionnements par son commissaire général, l’abbé Remaud, celui-ci, en effet, déclara « qu’il était impossible de continuer la guerre… D’autre part, les munitions manquaient presque complètement, chaque soldat n’ayant guère que quatre ou cinq coups à tirer » (Billard des Portes, Charette et la guerre de Vendée, p. 397).

Le décret du 12 frimaire était l’application d’un système que désapprouvèrent ceux qui se rendaient impartialement compte de la situation. Le 17 frimaire an III (7 décembre 1794), Hoche qui, depuis le 13 brumaire (3 novembre), tout en gardant le commandement de l’armée des côtes de Cherbourg, avait remplacé le général Alexandre Dumas à la tête de l’armée des côtes de Brest, écrivait, en effet, aux représentants Bollet et Boursault : « Une indulgence déplacée pourrait opérer la contre-révolution » (Chassin, ibid, p. 54). Malheureusement, tous n’étaient pas de son avis et, le 6 nivôse (26 décembre), un de ses subordonnés, le général Humbert, se laissait aller à entamer des pourparlers avec un chef de Chouans, Boishardy. De ses entrevues avec celui-ci, sortit un projet de trêve, définitivement conclue, le 14 nivôse (3 janvier), par Bollet avec un certain Desoteux. Celui-ci, « fils de M. Desoteux, saigneur d’un petit village de la province de Bourgogne, c’est-à-dire chirurgien de campagne, faisant la barbe et coupant les cheveux proprement » (Moniteur du 15 prairial an III-3 juin 1795), et du nombre de ceux estimant avec raison que leur bassesse d’âme leur donne le droit de s’introduire dans les rangs de la noblesse, se faisait appeler baron de Cormatin, titre sous lequel Puisaye l’avait nommé major général, le 26 août, avant de quitter la France. Cette trêve, d’une durée illimitée, signée en l’absence et au grand regret de Boursault, l’était au moment où le général Rey venait de saisir des papiers et d’opérer la capture d’agents ne permettant