Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/71

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aucun doute sur le but poursuivi par les royalistes de concert avec les Anglais.

Du côté de la Vendée, la publication du décret n’entraînait aucune soumission importante, les rebelles voyaient la possibilité de traiter de puissance à puissance et attendaient le résultat des pourparlers entamés avec Charette. Celui-ci, marchant d’accord avec Sapinaud, avait fait remettre au représentant Ruelle une lettre lui annonçant l’envoi de deux délégués, de Bruc et Amédée de Béjarry, qui arrivèrent le 8 nivôse (28 décembre) à Nantes. À la suite de leurs entrevues avec les représentants. Ruelle se rendit à Paris où, le 27 nivôse an III (16 janvier 1795), il mentit à la tribune de la Convention et attribua aux rebelles des actes de générosité qu’ils n’avaient pas accomplis, les louant ainsi du bien qu’ils ne faisaient pas, mais ne signalant pas le mal qu’ils continuaient à faire. Tandis que Cormatin, escorté du général Humbert, se promenait dans tout le pays sous couleur d’annoncer la trève, observée en réalité à l’égard des rebelles et non par eux, ceux-ci assassinaient les maires de villages patriotes, les acquéreurs de biens nationaux, les femmes qui portaient des provisions dans les villes, et dévalisaient leurs victimes en l’honneur du roi et de la religion (Chassin, ibid, p. 119-120).

Enfin tout fut préparé pour un rendez-vous sous une tente près de Clisson, à proximité du château de la Jaunaie, mis à la disposition de Charette et de ses amis, et où ces « honnêtes gens » furent luxueusement nourris aux frais de la République. Le 24 pluviôse (12 février), Charette, Sapinaud, de Bruc, de Béjarry et trois autres officiers, portant tous large ceinture blanche, cocarde blanche et fleurs de lis, se rencontraient avec les représentants. Le lendemain, Cormatin assistait à la séance ; finalement, le 29 (17 février), on s’entendait avec Charette et Sapinaud ; Cormatin obtenait que les mêmes conditions seraient applicables aux Chouans qui se soumettraient. Par cinq arrêtés des représentants, des secours et des indemnités étaient garantis aux amnistiés qui rentraient en possession de tous leurs biens ; sous prétexte de remboursement des bons signés par eux, deux millions devaient être versés à Charette et à Sapinaud ; était levé le séquestre des biens des rebelles inscrits sur les listes d’émigrés et non sortis du pays, et des condamnés qui l’avaient été sans le concours du jury ; était assuré le libre exercice du culte catholique ; enfin les chefs conservaient auprès d’eux des corps armés tout organisés, soldés par le Trésor public et chargés de la police sur le territoire qu’ils avaient ravagé. Ces corps étaient limités à 2 000 hommes et recevaient le nom de « gardes territoriales » qui avait dû être, d’abord, attribué à des compagnies destinées à protéger le pays contre leurs exactions. En sus des deux millions et des indemnités prévus, la plupart des chefs touchèrent de la main à la main d’importantes sommes imputées sur les fonds secrets (Ch.-L. Chassin, Les Pacifications de l’Ouest, t. I, p. 193 et 206 à 209). Pour toute compensation, ils livraient leur