Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/97

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tion de « sociétés d’amis ». Le 21 germinal (10 avril), Un décret prescrivait de « faire désarmer sans délai les hommes connus dans leurs sections comme ayant participé aux horreurs commises sous la tyrannie qui a précédé le 8 thermidor », et tendait ainsi à concentrer la force entre les mains des contre-révolutionnaires. Le 28 (17 avril), la Convention autorisait le comité de salut public à faire circuler dans le rayon de dix lieues de Paris, qui leur était interdit, les troupes estimées par lui nécessaires pour assurer l’arrivage des grains et des farines. On n’avait pas encore appelé ouvertement l’armée à intervenir dans les questions de politique intérieure ; mais ce qui prouve que l’intention existait déjà, si elle se dissimulait encore sous un prétexte, ce sont les mouvements de troupes opérés en floréal (avril) sans lien aucun avec l’arrivage des subsistances ; c’est l’entrée à Paris même, le 7 floréal (26 avril), d’un détachement de cavalerie de deux cents hommes ; on n’osa cependant pas l’y maintenir et on se borna à concentrer les troupes à proximité. Le 28 germinal (17 avril), la garde nationale était, pour surcroît de précaution, placée sous la direction du comité militaire qui en nomma l’état-major. Le même jour, l’organisation des administrations de département et de district était décentralisée et remise, avec toutefois incohérence et confusion, dans les attributions respectives de ces deux degrés d’administrations (Aulard, Histoire politique de la Révolution française, p. 512), telle qu’elle était avant le décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) : décentralisant d’un côté, pour annuler ce qui avait contribué à restreindre leur influence en province, les Girondins, redevenus les maîtres, ne redoutèrent plus de centraliser d’un autre, et un décret du 21 floréal (10 mai) rendit au comité de Salut public la prépondérance que celui du 7 fructidor (24 août) précédent (chap. ii) avait voulu lui enlever. Suivant leur tactique préférée qui consiste à assimiler l’opposition d’extrême gauche à l’opposition d’extrême droite, à coaliser mensongèrement les royalistes et les républicains avancés dans le but de faire retomber sur ceux-ci l’odieux d’une coalition qui est leur propre péché mignon, les modérés, par le décret du 12 floréal (1er mai), affectèrent de frapper les royalistes émigrés rentrés, prêtres condamnés à la déportation, individus provoquant au retour de la royauté, pour discréditer — sans danger pour les royalistes réels à l’égard desquels la loi continua à rester lettre morte — les adversaires de gauche contre lesquels on sévissait. Ce même décret rendit légales, par ses articles 4 et 5, les rigoureuses limitations de la liberté de la presse et de la liberté de réunion qui constituaient, nous l’avons vu, la pratique du gouvernement thermidorien.

Pendant ce temps se poursuivait devant le tribunal révolutionnaire le procès de Fouquier-Tinville et de juges et jurés de l’ancien tribunal ; entamé le 8 germinal (28 mars), il se terminait le 17 floréal (6 mai) par la condamnation à mort de Fouquier et de quinze de ses coaccusés qui étaient exécutés le lendemain (7 mai) sur la place de Grève (place de l’Hôtel de ville).