Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/102

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plètement son sens. Nous n’en sommes plus à compter de semblables « erreurs » !

On en a fait beaucoup à l’occasion du texte que nous venons de commenter et toujours pour le plus grand bénéfice de l’Église, pour la plus grande gloire de Dieu ! C’est pourquoi nous demandons l’abrogation d’un texte qui n’est pas respecté par ceux-là mêmes qui en réclament le maintien. Pour Bonaparte, ce texte n’avait en somme que la valeur d’une manifestation lui permettant de se rapprocher d’un pouvoir qu’il pensait devoir mettre en œuvre avec profit pour accroître sa propre puissance. Il tenait en réserve l’acte véritable destiné à réglementer en France le culte catholique et c’est par les « Articles organiques » qu’il a « complété » le Concordat.

Le Concordat, nous le savons, fut signé le 26 messidor an IX (15 juillet 1801). Les ratifications sont du 23 fructidor an IX (10 septembre 1801) — le Te Deum à Notre-Dame, pour célébrer la publication de l’acte, est seulement du 18 avril 1802. C’est durant tout cet intervalle et sans que la Papauté en connût rien, que Bonaparte fit élaborer les Articles organiques soumis au Corps législatif et au Tribunat le même jour que le Concordat, promulgués avec lui par la loi du 18 germinal an X et portés en même temps que lui à la connaissance du pays. On peut dire hardiment qu’ils contribuèrent à le faire accepter sans une trop grande explosion de mécontentement.

Il nous est impossible de faire entrer, dans le cadre de cet ouvrage, le commentaire détaillé des 77 articles organiques. Nous ne pourrons qu’en indiquer les grandes lignes, après avoir fixé le caractère des négociations qui pendant neuf mois continuèrent à se dérouler au sujet du Concordat, tandis que Portalis en secret préparait, conformément au désir du Premier Consul, l’acte destiné à « tenir » l’Église. Ces négociations eurent lieu entre Bonaparte et Caprara, légat a latere, vieux cardinal assez porté à confondre ses bénéfices personnels avec l’intérêt de l’Église : le Premier Consul put s’amuser tout à son aise avec lui et comme il n’était pas toujours ingrat, il lui donna, en février 1802, l’archevêché de Milan. On distingue, dans l’histoire des rapports entre Caprara et Bonaparte, trois périodes que nous indiquons brièvement :

1° Jusqu’en décembre 1801, le Premier Consul menace la Papauté, terrorise le légat parce qu’il se plaint du retard apporté par Pie VII à l’envoi de la bulle organisant les nouveaux évêchés et du bref permettant l’institution des nouveaux évêques.

2° Le pape, ayant enfin accordé ce que désirait Bonaparte, demande à son tour la publication du Concordat et surtout la restitution du territoire des trois légations. C’est alors le Premier Consul qui temporise, voulant obtenir du pape la nomination d’anciens évêques constitutionnels comme nouveaux évêques. Pie VII se montrant intraitable sur ce point, il laisse traîner les négociations jusqu’en mars 1802.