Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/105

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Papauté sans autorisation de l’État, il a voulu empêcher toute assemblée de prêtres non autorisée expressément par le pouvoir civil[1]… mais à quoi bon tout cela, puisque par le Concordat il remettait solennellement le pape à la tête de la noire cohorte ecclésiastique, puisqu’il réinstallait en grande pompe l’antique classe cléricale dans le pays avec tous ses privilèges, avec sa hiérarchie traditionnelle, sa constitution pyramidale, elle aussi, dont la base est en partie la France et le sommet uniquement Rome… Pourquoi ? — Parce qu’il s’est cru assez puissant pour maintenir toujours la Papauté dans sa dépendance étroite. Il n’a pas songé un instant qu’elle chercherait à échapper à sa sujétion, et, cachée derrière l’acte qui lui rouvrait sans conteste la terre d’impiété où elle aurait cette admirable œuvre à accomplir : exorciser la Révolution, reprendrait, malgré et contre les Articles organiques aussi bien que contre le Concordat lui-même, la suprême direction spirituelle et… temporelle !

Il suffira de citer quelques uns des articles pour juger de leur efficacité : c’est, au titre II[2], l’article 11 qui maintient la suppression de tous les établissements ecclésiastiques autres que les chapitres cathédraux et les séminaires, indiquant ainsi qu’il ne doit plus y avoir de congrégations ; c’est l’art. 12, qui interdit toute qualification autre que citoyen ou Monsieur donnée aux évêques ; c’est l’art. 18 jamais observé, exigeant le serment de tout prêtre à la Constitution ; c’est la défense faite par l’art. 20 à tout évêque de quitter son diocèse sans permission du pouvoir civil ; c’est l’obligation pour les évêques, aux termes de l’art. 26, de faire agréer par le gouvernement la liste des personnes à ordonner ; c’est l’art. 33 qui interdit toute fonction à « tout ecclésiastique, même Français, qui n’appartient à aucun diocèse » — article qui fait sourire quand on songe à la quantité de « monsignori » répandus sur le territoire de la République pour faire la police du pape. — Au titre III, « Du Culte », nous voyons des dispositions édictant l’unité dans la liturgie et dans le catéchisme (art. 39), l’uniformité dans le costume qui doit être l’habit noir à la française (art. 43) ; la défense aux prédicateurs de se livrer à des attaques « soit contre les personnes, soit contre les autres cultes autorisés dans l’État » (art. 52). L’art. 48 rendait aux fidèles les cloches, chères à M. Vandal, mais avec défense de s’en servir en dehors du service religieux autrement qu’avec l’autorisation de la police. Deux dispositions maintenaient contre l’Église la suprématie civile : art. 54 stipulant que les curés « ne donneront la bénédiction nuptiale qu’à ceux qui justifieront, en bonne et due forme, avoir contracté mariage devant l’état civil » et art. 55 : « Les registres tenus par les ministres du culte, n’étant et ne pouvant être relatifs qu’à l’administration des sacrements, ne pourront dans aucun cas suppléer les registres

  1. Nous visons ici les dispositions du titre premier des Actes organiques. Ce titre traite « du régime de l’Église catholique dans ses rapports généraux avec les droits et la police de l’État. »
  2. Ce titre, qui traite : « Des Ministres », est divisé en cinq sections.