Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

berg. Le 3 décembre, l’archiduc Jean, en route sur Munich, pénètre dans la forêt. Une tempête de neige faisait rage. 70 000 Autrichiens défilent dans le long couloir qui traverse la forêt. Ils traînent 100 canons et tous les bagages. À mesure qu’ils avancent, Richepanse et Dacaën descendent derrière eux. À sept heures du matin, Moreau, Grenier, Grouchy reçoivent le premier choc devant Hohenlinden. Deux attaques sont repoussées. Soudain les Autrichiens s’arrêtent : Richepanse vient de se rabattre sur eux. Dès lors la victoire est certaine. Moreau lance Ney et Grouchy en avant ; ils culbutent les ennemis pris entre deux feux, et rencontrent « au milieu du champ de bataille, Richepanse qui les embrasse, tandis que les cadavres s’amoncellent de toutes parts… Le succès fut complété par la victoire des divisions Legrand et Bastoul, sur la droite autrichienne commandée par Kienmayer, et par celle de Decaën sur le corps de Riesch, qui devait, dans la pensée de l’archiduc Jean, tourner Moreau par Ebersberg. La journée coûtait aux Autrichiens 20 000 hommes, 90 canons et tous leurs bagages. Quelques lignes en apportèrent la nouvelle au Premier Consul, qui l’annonça au Corps législatif, le 2 janvier 1800, déclarant que la victoire de Hohenlinden devait être dans l’histoire au nombre des plus belles journées qui aient illustré la valeur française ». Il déclara plus tard qu’elle n’avait été qu’un pur effet de hasard. Bonaparte n’aimait pas les rivaux.

Après sa victoire, Moreau avait devant lui la route de Vienne ouverte. Il repoussa successivement les Autrichiens sur l’Inn, la Salza, la Traun et l’Enns, mais ne voulut pas entrer dans la capitale, dont quatre-vingts lieues seulement le séparait. On était en plein hiver, les troupes étaient fatiguées ; le corps d’Augereau était même assez sérieusement menacé, l’archiduc Charles prenait la tête de la défense autrichienne, et il fallait compter avec son génie. Moreau décida donc d’accepter la paix qu’on lui offrait, et il signa l’armistice de Steyer (25 décembre 1800), par lequel nous prenions solidement pied dans le Tyrol et dans la Bavière.

En Italie, le commandement en chef avait été donné à Brune. Masséna, qui semblait tout désigné — trop désigné au gré de Bonaparte — pour l’exercer, en fut privé « pour des torts d’administration, dit très justement Lanfrey[1], qui n’étaient alors ni plus ni moins grands qu’ils n’ont été avant et après cette disgrâce singulière ». Masséna fut, en effet, le type par excellence du détrousseur empanaché, avide à la fois de richesses et de gloire militaire ; mais ce n’est pas au nom de la morale et de l’honnêteté qu’il fut relevé de son commandement, c’est bien plutôt et tout simplement parce que le Premier Consul n’entendait pas qu’un autre s’assurât une renommée égale à la sienne. Brune avait alors 120 000 hommes. Devant lui, le maréchal de Bellegarde gardait le Mincio avec 90 000 hommes, et se reliait, par le Haut-

  1. Lanfrey, Histoire de Napoléon I, t. II, p. 236.