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Adige, occupé par Landon, à Hiller, dont nous savons la situation dans l’armée de l’archiduc Jean. Macdonald, qui occupait la Suisse, descendait au cœur de l’hiver, avec 12 000 hommes, au milieu des difficultés les plus rudes, en pleine Valteline, pour coopérer à l’attaque de Brune. Celui-ci s’avança en effet sur les Autrichiens, passa le Mincio à Pozzolo, l’Adige à Bussolengo, entra à Vérone et joignit alors les troupes arrivées de Suisse et installées à Trente. Bellegarde, chassé derrière la Brenta, dut signer l’armistice de Trévise (16 janvier 1801). Nous prenions ainsi Mantoue, Peschiera, Legnago. Dans le même temps, Murat rejoignait Miollis, vainqueur des Napolitains alliés de l’Autriche, à Sienne, et poussait jusque dans l’Italie du sud, fermant aux Anglais les ports napolitains (armistice de Foligno).

§ 4. — La paix de Lunéville.

Après l’extraordinaire mésaventure du comte de Saint-Julien, François II avait envoyé Cobentzel — négociateur de Campo-Formio — à Paris d’abord, puis à Lunéville, quand les hostilités furent reprises, afin d’établir des bases pour la paix. Il eut Joseph Bonaparte comme partenaire. Et, tandis que les entrevues se multipliaient entre ces deux représentants de l’Autriche et de la France, tandis que les armées luttaient — quelle effroyable ironie ! — pour la paix, à Paris, Bonaparte et Talleyrand travaillaient à conquérir l’alliance ou l’amitié de la Russie et de la Prusse, afin d’isoler complètement l’Empire et l’Angleterre. Quand Bonaparte se vit assuré du côté de la Prusse et que l’armistice de Steyer eut reporté la puissance française au cœur de l’Autriche, il aggrava les conditions de paix d’abord fixées et, alors qu’il avait consenti à laisser l’Autriche sur le Mincio, il exigea qu’elle reculât jusqu’à l’Adige. L’attentat de nivôse venait de grandir sa force à l’intérieur, il ne craignait plus rien, il frappait. Le 2 janvier 1801, un message au Corps législatif contenait les conditions nouvelles pour la paix : « La rive gauche du Rhin sera la limite de la République française : elle ne prétend rien sur la rive droite. L’intérêt de l’Europe ne veut pas que l’empereur passe l’Adige. L’indépendance des républiques helvétique et batave sera reconnue. Le bonheur de la France sera de rendre le calme à l’Allemagne et à l’Italie ; sa gloire, d’affranchir le continent du génie malfaisant de l’Angleterre. Si la bonne foi est encore trompée, nous sommes à Prague, à Vienne et à Venise ». À Lunéville, Cobentzel, très gêné pour négocier, se lamentait sur les exigences françaises et défendait le terrain avec acharnement. Tout fut inutile ; le 15 janvier 1801, il dut accepter le retrait derrière l’Adige, en demandant pourtant que la Toscane fût remise au grand-duc ; il accédait aussi à la ligne du Rhin, avec dédommagement pour les seuls princes ecclésiastiques. Les changements devaient être ratifiés par la diète. Joseph Bonaparte accepta ces propositions, heureux de terminer l’affaire ; mais ni Talleyrand ni le Premier