Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/150

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Le Chandellier et Charles étaient dans le même temps battus par Guidal et Jaume à Écouis et à Tressé. Voyant ses troupes partout battues, et influencé par la soumission de la Vendée et de l’Anjou, Frotté décida alors de déposer les armes à son tour (7 février), et il adressa à Hédouville une lettre dans ce sens : « Voulant éviter à mon pays resté seul sous les armes les malheurs dont il peut être menacé dans cette guerre, j’ai l’honneur de vous faire part que je souscris, pour les départements où je commande les royalistes, aux mesures déjà prises par les autres chefs royalistes pour le rétablissement de la tranquillité dans les provinces de l’Ouest. Quant à moi, monsieur, je fais abnégation de toute prétention ou réclamation personnelle… Il est trois articles, entre autres, sur lesquels je dois insister : 1° le non-désarmement, parce que je n’aurai ni la volonté, ni le pouvoir de le faire faire ; 2° la mise en liberté des prisonniers arrêtés comme nos partisans dans les quatre départements de l’Orne, Manche, Calvados et Eure ; 3° la sûreté et la tranquillité des propriétés des campagnes et de tous les individus ayant fait partie de mon commandement… » Hédouville n’avait plus autorité pour négocier, et Bonaparte dut se féliciter de lui en avoir ôté tout moyen, car il touchait à sa vengeance. Ce qu’il veut, c’est la mort du chef royaliste : voyez ce qu’il écrit à Lefebvre le 10 février : « Envoyez à Chambarlhac un officier de votre état-major qui ne reviendra qu’avec la nouvelle de la mort ou de la prise de Frotté » ; à Gardanne[1] le 11 : « Ce n’est pas le cas de faire aucun accommodement avec Frotté… Vous pourrez promettre 1 000 louis à ceux qui tueront ou prendront Frotté… » C’est dans ces dispositions d’esprit que le premier consul reçut la nouvelle de la soumission. Guidal négociait ; il lui fait immédiatement savoir que le gouvernement n’acceptera que la reddition complète sans aucune condition, le désarmement immédiat[2]. Frotté devait venir lui-même faire sa soumission. Le chef normand vint donc retrouver à Alençon ses amis Commarque et Hugon qui y tenaient des conférences avec Guidal. Arrivé le 15 février, il discutait chez Guidal, lorsque, à un certain moment, le général s’absenta. Aussitôt, des grenadiers pénétrèrent dans l’appartement où se tenaient les royalistes et les arrêtèrent. Dirigés sur Paris, sous la garde de 1 500 hommes, ils venaient d’arriver à Verneuil, lorsqu’un ordre du général Lefebvre parvint au chef de brigade Bisson, portant commandement de faire juger immédiatement les prisonniers par une commission militaire. Il fut ainsi fait (17 février), et, le 18, Frotté et six autres chefs, — Hugon, Commarque, Verdun, Casimir, Saint-Florent, Pascal Seguiral, — étaient fusillés. Ni l’arrestation, ni la mise en jugement, ni l’exécution ne furent ignorées de Bonaparte. C’est, au contraire, de Paris que vinrent tous les ordres qui aboutirent à la mort de Frotté. Le

  1. Gardanne avait remplacé le général Cauclaux à la tête de la 14e division.
  2. Lettre de Clarke à Guidal, 14 février.