Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/227

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d’annuler le mariage contracté par Jérôme Bonaparte avec une Américaine, miss Patterson, les troupes impériales occupèrent Ancône, ville pontificale (septembre 1805). Le pape, on le voit, avait pour voisin, après le traité de Presbourg, un homme décidé à agir contre lui, tout pape qu’il était. Il le lui fit bien voir : en janvier 1800, Napoléon demandait à Pie VII de fermer ses ports aux Anglais, et de chasser les Russes, les Anglais et les Suédois de ses États ; le pape voulant entrer dans des explications sur la neutralité traditionnelle du Saint-Siège, vit ses provinces envahies par le général Lemarrois (août 1807), et, au début de 1808, Rome même tombait entre les mains du général Miollis.

La puissance de Napoléon après le traité de Presbourg, cet immense empire qui partait de la Hollande, où Louis Bonaparte était roi, et finissait à la Sicile portait en lui-même des causes évidentes de faiblesse. Napoléon avait remanié l’Allemagne et créé, pour remplacer l’ancien empire germanique, la Confédération du Rhin, où seize princes figuraient et qu’il présidait en personne, mais il restait en Allemagne un État qui n’avait pas encore pris définitivement parti et qui se trouvait dans une situation tellement fausse que tout restait à craindre de son côté. La Prusse, ou tout au moins le roi de Prusse, avait salué le vainqueur d’Austerlitz. Haugwitz avait signé, à Schœnbrunn, un traité qui enlevait quelques petits territoires à la couronne prussienne, mais lui donnait le Hanovre, possession du roi d’Angleterre. Le roi Frédéric-Guillaume III, l’homme le moins militaire qui fût dans un temps où l’on ne voyait que sabres, canons et fusils, s’estimait très heureux d’avoir évité de participer à des guerres terribles ; mais il y avait en Allemagne, et surtout en Prusse, un mouvement national qui, de plus en plus, allait s’accentuant. Geutz, Ardndt faisaient campagne contre l’invasion française et Napoléon s’émut à tel point de la propagande antifrançaise entreprise au delà du Rhin, qu’il fit fusiller un libraire de Nuremberg, nommé Palm, coupable d’avoir vendu une mauvaise brochure où la domination française était attaquée. Les Prussiens, du reste, devaient avoir bientôt sujet de se plaindre de la France. En février 1806, Haugwitz dut signer, à Paris, un traité par lequel la Prusse s’engageait à fermer au commerce anglais l’Ems, le Weser et l’Elbe. C’était la ruine de la Silésie, et on vit bien les conséquences des exigences napoléoniennes lorsque les Anglais eurent, en peu de jours, confisqué trois cents navires prussiens. En outre, Fox, ayant pris le pouvoir à Londres, fit quelques ouvertures de paix à la France, en tâchant de savoir si le Hanovre pourrait revenir à la couronne anglaise. L’effet de cette négociation fut énorme. On apprit soudain à Berlin, au commencement du mois d’août 1800, que Napoléon consentait à retirer le Hanovre à la Prusse pour le rendre au roi George ! C’était faux ou tout au moins prématuré, mais le coup avait porté. De ce jour, Frédéric-Guillaume III fut littéralement submergé par le parti de la guerre. Haugwitz était hué par la foule,