Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/242

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économique générale, elle a pour but de renfermer cette liberté dans les limites légales. Une note anonyme « pour les consuls » et qui se trouve par hasard conservée aux Archives nationales[1] parmi une liasse de pièces de toutes dates, et qui, sans être datée elle-même, a certainement été rédigée à la veille de la discussion de notre texte, va nous éclairer à son sujet :

Un projet de loi sur les arts et métiers a été proposé au Conseil d’État.

Il contient des dispositions tendantes (sic) à recréer des corporations d’arts et métiers dans les villes.

Il ne met nulle entrave à l’exercice de l’industrie.

Il n’exige point de droits pour entrer dans la corporation.

Il consacre la destruction des abus des anciennes communautés.

Cependant, on oppose aux principes sur lesquels le projet est fondé les anciennes idées de Turgot et le système économiste d’une liberté absolue.

Elle est mauvaise en économie politique en laquelle « elle isole chaque individu et elle nuit autant au consommateur qu’au marchand, aux ouvriers.

Mais en politique elle n’est pas bonne non plus.

C’est sous ce rapport qu’il est peut-être utile au gouvernement d’examiner si classer les citoyens par un moyen, et avec des formes simples, donner à chaque profession des syndics qui correspondent avec l’administration de la police d’un côté, et de l’autre avec tous leurs confrères, n’est pas une idée utile qui tend à favoriser la bonne ordonnance du corps social. Mais quelle que soit à cet égard la pensée, l’intention du gouvernement, il jugera peut-être convenable de la fixer avant l’ouverture de la discussion sur cette importante question ». Le gouvernement avait fait précéder l’établissement du projet de loi d’une enquête à travers le monde de l’industrie et le principe de la liberté avait rallié la majorité des suffrages[2]. « Ce n’est pas sur cette terre où la liberté enfanta tant de prodiges si justement célébrés, dit le rapporteur du Conseil d’État, Regnault de Saint-Jean-d’Angely, qu’on osera, je ne dis pas calomnier ses bienfaits, mais même parler d’elle sans respect et sans reconnaissance ».

La liberté fut donc proclamée, mais Bonaparte se rappelant que « en politique » elle est dangereuse, fit insérer dans la loi des clauses destinées à tenir les ouvriers dans une condition inférieure. La loi du 22 germinal an XI 12 avril 1803) est longue, la développer et la commenter en tous ses points serait dépasser le cadre de ce travail ; nous en donnerons le texte et nous nous bornerons à quelques remarques à son sujet.

  1. Archives nationales AFiv, 1060.
  2. Voir Levasseur. Histoire des classes ouvrières, t. I., chap. IV.