Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/250

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d’améliorations à apporter dans l’industrie, fabriques ou manufactures ; le sous-préfet en référait au préfet et celui-ci au ministre de l’Intérieur. Ainsi qu’on le voit, le recrutement de ces chambres consultatives était essentiellement patronal et bourgeois, l’élément ouvrier n’y avait en rien accès, et l’organisation industrielle de cette époque est au premier chef une organisation des intérêts capitalistes élevée en face du prolétariat soumis à la police, incapable de s’unir, mis dans l’impossibilité légale de tenter lui aussi de s’organiser. Et à côté de l’arrêté du 10 thermidor, mettons de suite ce fameux arrêté du 9 frimaire an XII[1] qui, lui, s’occupe uniquement des ouvriers, et de quelle manière ! Voici le texte de cet arrêté :


TITRE PREMIER
Dispositions générales.

Article premier. — À compter de la publication du présent arrêté, tout ouvrier travaillant en qualité de compagnon ou garçon devra se pourvoir d’un livret.

Art. 2. — Ce livret sera en papier libre, coté et paraphé sans frais, savoir, à Paris, Lyon et Marseille, par un commissaire de police et, dans les autres villes, par le maire ou un de ses adjoints. Le premier feuillet portera le sceau de la municipalité et contiendra le nom et le prénom de l’ouvrier, son âge, le lieu de sa naissance, son signalement, la désignation de sa profession et le nom du maître chez lequel il travaille.

Art. 3. — Indépendamment de la loi sur les passeports, l’ouvrier sera tenu de faire viser son dernier congé par le maire ou son adjoint, et de faire indiquer le lieu où il se propose de se rendre. Tout ouvrier qui voyagerait sans être muni d’un livret ainsi visé sera réputé vagabond et pourra être arrêté et puni comme tel.

TITRE II
De l’inscription des congés sur le livret et des obligations imposées à cet égard aux ouvriers et à ceux qui les emploient.

Art. 4. — Tout manufacturier, entrepreneur et généralement toute personne employant des ouvriers sera tenue, quand ces ouvriers sortiront de chez eux, d’inscrire sur leurs livrets un congé portant acquit de leurs engagements, s’ils les ont remplies. Les congés seront inscrits sans lacune, à la suite les uns des autres ; ils énonceront le jour de la sortie de l’ouvrier.

Art. 5. — L’ouvrier sera tenu de faire inscrire le jour de son entrée sur son livret par le maître chez lequel il se propose de travailler, ou, à son défaut, par les fonctionnaires publics désignés en l’art. 2, et sans frais, et de déposer le livret entre les mains de son maître s’il l’exige.

  1. Archives nationales AFiv pl. 621, n° 39.