Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/282

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à-vis de ceux qui le violent, que les propriétés des particuliers et du commerce ne doivent point être soumises aux chances de la guerre, nous sommes portés à nous flatter que si elle daignait tolérer un arrangement à ce sujet avec la Russie, nous obtiendrions la liberté que nous réclamons et déjà nous serions allégés d’un poids énorme ; Hambourg reprendrait ses paiements, nos négociants rentreraient dans leurs fonds et sans doute aussi de nouvelles commissions rendraient la vie à notre manufacture si toutefois l’incertitude des événements n’empêchait pas ceux qui les recevraient de les mettre à exécution. L’absence de Votre Majesté de sa capitale y a singulièrement diminué la consommation des étoffes riches que nous fabriquons pour cette ville. Il ne nous reste donc aucune ressource pour assurer, cet hiver, du pain au 35 000 ouvriers qu’emploie notre manufacture. Sire, cette population intéressante qui, devinant les hautes destinées du libérateur de l’Europe se précipitait sur vos pas lorsque la providence vous ramenat (sic) au milieu de nous, qui la première saluat (sic) de ses acclamations le vainqueur de Marengo, qui dut à la protection particulière dont Votre Majesté l’honore le commencement d’une prospérité nouvelle, au milieu de laquelle elle a accepté d’avoir un palais, menacée, aujourd’hui d’une ruine totale par ces mêmes ennemis qui, sans vous, auraient depuis longtemps consommé sa perte, implore vos bontés et ne les réclamera pas en vain.

Nous ne demandons pas que des aumônes soient distribuées à l’ouvrier sans travail, nous ne proposons point à Votre Majesté de salarier l’oisiveté : il est un moyen plus digne d’elle et plus utile ; vos prédécesseurs l’ont employé : le sage Colbert sous Louis XIV, les ministres de Louis XV, en 1740, vinrent, dans des crises semblables, au secours de notre fabrique en y faisant des commandes pour le compte du gouvernement. M. Camille Pernon, qui a l’honneur d’être connu de Votre Majesté, conserve encore la commission qui lui fut donnée par l’intendant de notre province. Si Votre Majesté daignait consacrer une somme de deux millions à faire travailler notre fabrique, elle pourrait être distribuée par les soins de M. le préfet et de M. le maire que nous nous empresserions de seconder, entre les divers fabricants ; on ferait des étoffes qui occupent le plus de bras et pour lesquelles il y aurait le moins d’autres demandes. Le Gouvernement ne perdrait point sur cette opération. Au moment de la paix générale, lorsque les commissions viendront de toutes parts, les marchandises manufacturées manqueront et celles que Votre Majesté aurait fait fabriquer se trouveraient heureusement prêtes pour satisfaire aux premiers besoins. L’ouvrier ainsi secouru conservera l’amour et l’habitude du travail ; nous le retiendrons dans nos ateliers qu’il commence à déserter et Votre Majesté préviendrait ainsi l’anéantissement total de notre fabrique qu’il serait impossible de relever après la dispersion de ses matériaux à l’époque où elle, sera appelée à jouir des jours prospères que vos travaux lui promettent… »