Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/283

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Cette importante pétition, qui contient tout le tableau de la situation commerciale et industrielle en 1806, se termine par un rappel de ce que nous savons sur l’importance des foires de Leipzig et la demande de leur maintien. On remarquera que ce véritable mémoire contient une critique certaine du décret de Berlin et des procédés employés par l’armée en Allemagne : confiscation, contributions de guerre. On remarquera aussi la fin de la pétition où le « péril ouvrier », si nous pouvons ainsi dire, est soulevé. Cette considération était certainement une de celles qui devaient le plus toucher l’empereur et c’est à ce péril que s’attache, dans une lettre annexée à la pétition, le ministre Champagny[1]. Le maire et le préfet de Lyon, lit-on dans cette lettre, « redoutant également la désertion des ouvriers ou leur oisiveté, vous demandent, au nom de l’intérêt public, ce que sollicite l’intérêt particulier du commerce lyonnais. » Champagny, du reste, ne se borne pas à présenter simplement la pétition de la chambre de Commerce de Lyon : il l’appuie et étendant franchement l’examen de la situation au reste de la France, il ne craint pas de dire la vérité désastreuse.

« Sire, écrit-il, l’emploi d’une somme de deux millions dans le moment actuel peut être déterminé par tant de considérations que je ne me crois pas en droit de proposer à Votre Majesté celui qu’appellent les vœux et l’intérêt des Lyonnais. Votre Majesté en appréciera d’elle-même tous les avantages. Je n’ai pas besoin de lui dire que c’est le meilleur moyen de soulager les besoins d’une ville à grandes manufactures, que c’est le meilleur atelier de travail qu’on puisse y ouvrir et le seul dont on puisse espérer quelque produit utile ; qu’une population manufacturière composée d’hommes faibles, amollis par la vie sédentaire et ne pouvant faire que ce qu’ils ont fait toute leur vie, est entièrement impropre pour les travaux publics ; et j’ajouterai à ces considérations que le budget de Lyon, pour 1807, rédigé avec une sûre économie ne présente que les ressources nécessaires pour subvenir aux dépenses indispensables de cette ville…. Je dois dire à Votre Majesté que la ville de Lyon n’est pas la seule qui souffre des circonstances actuelles. Presque toutes les villes de commerce qui avaient conservé des relations avec l’étranger éprouvent, ou sont sur le point d’éprouver des pertes. Le peu de commerce qu’avait Bordeaux lui est enlevé. Les ressources sont nulles, les ateliers de travail que je cherche à y organiser y éprouvent beaucoup de difficultés. Là, il n’y a jamais eu de manufactures, il est impossible d’en créer. Les travaux publics ne soulagent qu’une petite partie de la population indigente. Là, les secours gratuits donnés à domicile seront plus nécessaires. Les besoins de cette ville appellent toute la bienveillance de Votre Majesté. Rouen est aussi dans la détresse, mais ses maux sont plus faciles à soulager. Les villes du midi où se fabriquent des étoffes de soie souffriront nécessaire-

  1. Lettre du 17 décembre 1806, extraite toujours du même fonds : Archives Nationales AFiv 1060.