Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/30

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

riens, la protestation du président du tribunal criminel de l’Yonne, Barnabé, fut loin d’être la seule qui s’élevât. À Arras, le commissaire de l’ex-gouvernement ne veut pas enregistrer les décrets du 19, et l’administrateur Goulliard démissionne. L’administration centrale du Jura alla jusqu’à décréter de faire marcher sur Paris une troupe départementale — jamais levée, du reste, — que commanderait le citoyen Lémare. Le Moniteur, le Journal des hommes libres et la Gazette de France nous ont conservé un grand nombre de noms de fonctionnaires qui ont protesté. Le gouvernement dut faire fermer de nombreux clubs jacobins à Clermont-Ferrand, Metz, Versailles, Lyon. À Toulouse, un commencement de soulèvement fut organisé par la Société populaire des Jacobins et il fallut que le général Fregeville intervînt et tînt ses troupes prêtes.

Par contre et comme à Paris, les royalistes croient à la Restauration, et la troupe qui, à Toulouse, était prête à marcher contre les républicains, fut prête, à Bordeaux, à arrêter les réactionnaires.

Mais, somme toute, en province on ne voit pas de mouvement sérieux pour ou contre le coup d’État, et, au lendemain du 18 brumaire, on ne prend pas parti, on attend. Les actes qui vinrent furent précisément de nature à ramener la confiance dans tous les esprits, et l’on sentait de la part du gouvernement comme un grand désir d’éviter tous les chocs de conscience ou d’opinions.

CHAPITRE II

LE CONSULAT PROVISOIRE
(11 Novembre — 24 Décembre 1799).

A. — LES ACTES

On désigne sous le nom de Consulat provisoire la période qui va du 20 brumaire an VIII au 3 nivôse de la même année (11 nov.-24 déc. 1799). Aussitôt installés, les trois consuls — qui à tour de rôle présidaient au gouvernement pendant vingt-quatre heures — organisèrent les ministères. On conserva Cambacérès à la justice, Bourdon à la marine, Reinhard aux affaires étrangères. Pour les finances, Sieyès présenta le commissaire près l’administration des postes, l’habile Gaudin, et Bonaparte, après avoir échangé quelques paroles avec lui dans cette sorte de hâte fiévreuse qu’il mit à tout au début de son administration, lui dit : « Allons, prêtez serment, nous sommes pressés ![1] » À la police, malgré Sieyès, et peut-être même en raison de son opposition, Bonaparte voulut conserver Fouché, par qui il tenait aux « terroristes ». À la guerre, Berthier fut dans la main du général. Quant à l’intérieur, de qui dépendaient les services de l’instruction publique, on y appela

  1. Mémoires de Gaudin, I, 45.