Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/302

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Le 22 mai 1807, le ministre Champagny écrivait à Napoléon un rapport[1] pour lui signaler les effets du décret du 22 février 1806 : L’importation des toiles de coton en France était de 70 à 80 millions de francs. Elle a cessé. Celle des fils s’est réduite de plus de moitié. C’était tout bénéfice pour l’Angleterre. En février 1806, il y avait en France l’approvisionnement d’une année au moins en tissu de coton étranger. Tout cela s’est écoulé et pendant ce temps des métiers se sont montés. Ce n’est qu’en octobre ou novembre que les effets du décret ont commencé à se faire sentir. Alors l’activité dans la Seine-Inférieure, le Nord, l’Aisne, la Somme, le Haut et le Bas-Rhin, l’Escaut, la Dyle, le Yard, etc. ; a repris. Rouen, Saint-Quentin, Mulhouse sont les villes où le travail a surtout été repris pour le plus grand bien d’ouvriers sans emploi. Percalines et calicots sont livrés aux mêmes prix et qualité que ceux qui venaient du dehors. Les toiles étrangères qui restaient à épuiser n’ont pas haussé.

Saint-Quentin rivalise avec Tarare pour les mousselines. Comme un million de pièces de toile exigent 3 millions de kilogrammes de fils, une heureuse répercussion s’est faite sur les filatures qui livrent leurs fils au fur et à mesure de leur fabrication. Le préfet de la Seine-Inférieure constate que la moitié de ses administrés formant la population manufacturière de son département s’est remise au travail…

La situation des manufactures n’était pourtant pas brillante à la fin de la période que nous étudions. Le 13 mars 1807[2], Champagny accusait à l’empereur réception d’une lettre du 4 janvier où Napoléon marquait sa volonté de mettre chaque mois 300 000 francs à la disposition du ministre de l’Intérieur pour donner du travail aux manufacturiers, et de consacrer trois millions de revenus de la couronne à l’ameublement des palais de Compiègne et de Versailles.

Champagny aurait voulu entreprendre de suite des travaux sans attendre que l’empereur ait statué sur les résultats du conseil réuni pour statuer sur ce qu’il convenait de faire avec les 300 000 francs mensuels ; mais l’archichancelier s’y était opposé. Le ministre attend donc des ordres, et il dit : « J’ose les solliciter avec quelques instances. Les ouvriers de Lyon sont dans la misère ». Les Américains, qui avaient fait quatre millions de commandes pour profiter de la bassesse des prix, ont reçu livraison et ne demandent plus rien. La manufacture de cristaux du Mont-Cenis[3] est sur le point de crouler et Champagny lui a versé 20 000 francs à titre de secours. Le ministre de l’Intérieur, apprenant qu’un traité de commerce allait être conclu entre la Bavière et l’Italie, demande qu’auparavant il en soit passé un entre la France et l’Italie. Il joint à sa lettre un projet de commandes pour l’ameu-

  1. Archives nationales AFiv 1060.
  2. Archives nationales AFiv 1060.
  3. Le Creusot.