Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/339

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matelots anglais qui s’y pouvaient trouver. En juin 1807, une frégate anglaise n’hésita même pas à ouvrir le feu sur une frégate américaine trop lente à exécuter ses ordres.

Dès lors, Jefferson fit adopter, par le Congrès en décembre 1802, un bill d’embargo qui ne fut d’ailleurs pas maintenu, mais qui acheva d’exaspérer les passions des deux côtés de l’Atlantique. Les quelques années qui suivirent furent employées à des négociations en vue d’une solution pacifique à laquelle tenait beaucoup le président Madison, successeur de Jefferson ; mais pas plus que Napoléon, l’Angleterre n’avait alors assez de sang-froid pour se prêter à des tentatives de conciliation, et la guerre entre la Grande-Bretagne et les États-Unis fut déclarée le 18 juin 1812. Elle fut longue et meurtrière, et parfaitement inutile d’ailleurs, car le traité de Gand qui la termina, le 24 décembre 1814, resta muet sur le conflit économique qui avait nécessité l’ouverture des hostilités.

Et maintenant, après avoir rappelé qu’à la faveur de cette interminable guerre entre la France et l’Angleterre, cette dernière avait peu à peu mis la main sur la plupart de nos possessions coloniales, et que, du vaste empire dont elle était maîtresse soixante ans auparavant, la France ne gardait plus que des bribes de territoires clairsemés, après avoir indiqué que la Guadeloupe fut livrée le 6 février 1810, que les Anglais occupèrent la Réunion, le 8 juillet, et l’Île-de-France, le 3 décembre de la même année, que nos établissements de l’océan Indien, de l’Inde et des Antilles furent ainsi ruinées, nous voici parvenus au bout de la première partie de notre tâche : l’examen aussi simplifié que possible des conséquences politiques du blocus continental.

Et tout de suite une réflexion s’impose après ce rapide coup d’œil jeté sur l’univers ainsi bouleversé.

Évoquons le souvenir de toutes les exécrables guerres qui ont laissé, hélas ! des marques sanglantes à presque toutes les pages de notre histoire nationale : nous trouverons les causes les plus diverses à ces barbares conflits qui précipitent les peuples les uns contre les autres : nous verrons les querelles religieuses et les rivalités dynastiques entraîner les empereurs, les rois et les princes dans de terribles mêlées, nous verrons des coalitions formidables se former pour écraser la France révolutionnaire, nous verrons, par contre, celle-ci entraînée hors de ses frontières par l’appel des peuples qui veulent s’émanciper ; toute la première période des campagnes napoléoniennes peut être considérée comme la conséquence inévitable du gigantesque élan que la Révolution avait donné à ses fils.

Mais, avec le blocus continental, nous entrons pour la première fois dans le cycle des guerres capitalistes, nous disons pour la première fois dans l’histoire moderne, car Rome et Carthage, aux temps antiques, connurent des conflits analogues.

Jaurès, en des pages éloquentes et décisives, a montré, dès le début de