Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/378

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tait péniblement, quand Lannes survint fort à propos pour faire reculer les Autrichiens.

Mais il fallait des troupes fraîches pour gagner complètement la bataille, et Napoléon attendait avec impatience leur passage de la rive droite sur la rive gauche.

Hélas ! les ponts établis la nuit précédente se rompirent de nouveau et les troupes, exténuées par deux jours de bataille, sont de nouveau livrées à elles-mêmes, avec des munitions qui s’épuisent.

Elles luttent pourtant avec un courage inouï, et c’est en vain que l’archiduc Charles essaye de les jeter dans le Danube. Nous nous maintînmes finalement à Essling.

Mais quelle abominable tuerie ! Lannes, frappé à mort par un boulet qui lui broye les deux genoux, peut voir autour de lui seize mille Français morts ou râlants, et vingt mille Autrichiens !

Et c’est sur près de quarante mille cadavres que Napoléon se hissa d’un échelon de plus vers le sommet de la gloire !

Tout de même, la saignée avait été un peu trop profonde et l’effort épuisant : l’empereur jugea nécessaire de reprendre haleine pendant quelques semaines avant d’imposer à ses troupes de nouvelles épreuves.

Le canon n’était point pour cela silencieux : il tonnait toujours en Prusse, où un patriote, le colonel Schill, se faisait tuer à la tête de quelques troupes ; en Tyrol, où les mouvements insurrectionnels ne cessaient pas ; en Pologne, où Poniatowski reprenait l’avantage ; en Italie, où le prince Eugène et Macdonald guerroyaient avec des fortunes diverses. Les Français finirent pourtant, là aussi, par prendre un avantage décisif, non loin de Leoben, et l’armée d’Italie put effectuer sa jonction avec celle de Marmont qui opérait en Dalmatie.

Tandis que Napoléon laissait encore reposer la grande armée, il faut enregistrer une diversion tentée en Hongrie par le prince Eugène, la bataille de Raab, où les Autrichiens furent mis en déroute, le bombardement de Presbourg que Davoust ne parvint pas à faire capituler, tant fut héroïque la résistance de sa garnison.

Nous voici arrivés à la fin de juin, à la veille d’une nouvelle tentative de passage du Danube, préparée depuis la bataille d’Essling.

Mais nous ne saurions nous engager dans le récit de cette remise en marche de la grande armée sans nous rappeler l’œuvre accomplie à Schœnbrunn pendant ces quelques semaines du repos impérial. Un événement si capital se produisit qu’il faut y insister en une parenthèse assez étendue : nous voulons parler de l’enlèvement du pape et de l’annexion des États de l’Église, prononcée par décret daté de Vienne le 17 mai 1809. Et ce sera l’occasion, sans nous renfermer dans l’ordre chronologique, d’étudier les rapports de Napoléon avec la papauté et l’Église pendant la deuxième partie du règne.