Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/397

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le prévoir, n’eurent d’autre résultat que de tendre davantage les rapporta et de précipiter une rupture qui n’était déjà plus qu’une question de mois. Caulaincourt, auquel le tsar Alexandre témoignait une vive considération, dut quitter son poste d’ambassadeur à Pétersbourg. Ce départ était une garantie de moins pour le maintien de la paix, d’autant que le nouvel ambassadeur, le colonel comte de Lauriston, aide de camp de l’empereur, avait reçu de celui-ci des instructions intransigeantes.

Le tsar, cependant, prit encore l’engagement, vis-à-vis du nouveau diplomate, de se conformer aux stipulations du traité de Tilsitt, mais il émit formellement de nouvelles prétentions que légitimait parfaitement l’attitude de Napoléon à son égard. Alexandre demandait, notamment, l’évacuation de la Poméranie suédoise et des États prussiens par nos troupes et la levée de l’interdiction arbitraire qui l’avait mis jusque là dans l’impossibilité de faire commerce ouvertement avec les neutres et, en particulier, les Américains. Le ton, fort naturel cependant, de cette requête exaspéra Napoléon, qui s’en prit à Kourakim, l’ambassadeur d’Alexandre, et lui fit, le 27 avril 1812, de violents reproches. Entre temps, au milieu de février, Tzernitcheff était parti précipitamment pour la Russie, muni de renseignements fort importants, qu’il s’était procurés grâce à la complicité que nous avons signalée un peu plus haut.

Ce dernier incident avait mis le comble à la colère de Napoléon qui se hâta de conclure, au moyen de brutales pressions, plusieurs alliances offensives contre la Russie.

Un premier traité stipula les conditions de la coopération de la Prusse, le 24 février 1812. Frédéric-Guillaume, qui désirait vivement rentrer en possession des places occupées par les Français sur l’Oder, n’obtint pas satisfaction, malgré la promesse formelle de son alliance. Sur la foi d’assurances assez vagues, il dut s’engager à fournir 20 000 hommes ; il lui fut cependant accordé, en échange de cette coopération, une réduction de 20 millions sur la contribution de guerre de 60 millions qu’il devait acquitter.

Quelques jours après, le 10 mars, Napoléon signait un autre traité avec l’Autriche, aux termes duquel François-Joseph fournissait un contingent de 30 000 hommes, placé sous le commandement de Schwartzenberg. La restitution éventuelle des provinces illyriennes à l’Autriche était la compensation principale consentie par Napoléon.

L’esprit véritable de ces deux alliances n’était guère celui que souhaitait l’empereur. La crainte d’un prompt envahissement ou d’une effroyable répression avait seule décidé Frédéric-Guillaume et François-Joseph à adhérer à la coalition nouvelle dont Napoléon était l’âme. D’autre part, le sentiment national allemand était exaspéré contre le despote français qui avait laissé, çà et là, sur le sol germanique les vestiges terribles de sa domination. En Prusse et en Autriche, on savait que la coopération offensive, obtenue de