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contribuer à chasser les Français de Pillau, place forte qui leur avait été récemment concédée.

Désirant se soustraire à la surveillance dont il se sentait l’objet de la part des Français en résidence à Berlin, Frédéric-Guillaume, au mois de mars 1813, se rendit à Breslau. Il y fut entouré, dès son arrivée, par les plus passionnés défenseurs de l’autonomie nationale, et les manifestations quotidiennes de l’opinion publique ne purent lui donner le change sur les sentiments du peuple. Les événements se précipitaient d’ailleurs, et entraînaient le souverain qui ne laissait pas de concevoir de vives inquiétudes sur l’issue des entreprises où l’engageaient les volontés unanimes. Cependant, à la suite de négociations conduites par un certain Knesebeck, un traité (convention de Kalish) fut signé le 28 février 1813 avec la Russie, aux termes duquel cette nation apportait à la Prusse son concours jusqu’à rétablissement de ses anciennes frontières. La Prusse s’engageait d’autre part à réunir aux armées russes un contingent de 80 000 hommes qui devaient coopérer à la lutte. Il avait fallu d’ailleurs, pour décider Frédéric-Guillaume à cette transaction qui devait le sauver, les vives instances du baron de Stein et de Scharnhorst.

Les Français avaient évacué Berlin à la grande joie des patriotes allemands, qui ne doutaient plus de la fortune de leurs armes. En maints endroits, toutefois, de nouvelles protestations, plus violentes que jamais, s’élevaient contre nos agents et nos troupes qui venaient d’enrichir à nouveau l’incroyable série de leurs déprédations au moyen de réquisitions insensées et brutales.

Quarante-huit heures avant la proclamation du fameux « Appel au Peuple », que suivirent immédiatement les édits organisant la landwehr et notifiant la mobilisation, et la déclaration de la guerre, le tsar Alexandre entrait solennellement à Breslau, résidence de son nouvel allié. Frédéric-Guillaume et le tsar échangèrent des serments et, le jour même, des démonstrations hostiles eurent lieu devant la maison de l’ambassadeur de France. Une note exposant les griefs du gouvernement prussien à l’égard de la France fut envoyée le 17 mars et, peu de temps après, M. de Krusmarck, ambassadeur de Prusse à Paris, rédigeait, sur les ordres de son gouvernement, un libelle à l’adresse de Bassano, ministre des affaires étrangères, relatant, avec beaucoup de courtoisie dans les expressions, les motifs pour lesquels l’entente était devenue tout à fait impossible ; il faisait allusion, en première ligne, à certains engagements politiques pris par Napoléon, et non observés, et aux innombrables exactions commises par les Français sur les territoires prussiens.

Ce fut également à la date du 17 mars que Frédéric-Guillaume prononça, d’une manière éclatante, la rupture avec la France, au moyen de l'Appel au peuple, message pathétique dont le retentissement allait être universel et qui ne s’adressait pas seulement à la Prusse, mais à la Silésie, à la Lithuanie,