Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/454

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les statuts relatifs aux titres et aux majorats, en les faisant précéder d’un exposé de principes qu’il est édifiant de retenir :

« S’il était encore, dit-il, des doutes à résoudre, j’aurais recours à l’expérience des siècles et à l’autorité d’un de nos plus grands publicistes, Montesquieu, qui a considéré l’existence et le maintien des distinctions héréditaires comme entrant en quelque façon dans l’essence de la monarchie. Les prééminences qu’une telle institution établit, les rangs qu’elle détermine, les souvenirs qu’elle transmet sont l’aliment de l’honneur, et cet honneur est en même temps le principe du gouvernement sous lequel la force du caractère national nous a ramenés.

« Jamais les distinctions dont il s’agit n’auront eu de source plus pure, les titres ne serviront désormais qu’à signaler à la reconnaissance publique ceux qui se sont signalés déjà par leurs services, par leur dévouement au prince et à la patrie. L’Europe, témoin de nos convulsions politiques, admire les ressources du génie qui a amené l’heureuse issue : elle est couverte de nos trophées et son estime accueillera les noms auxquels la bienveillance de notre auguste souverain daignera ajouter un nouveau lustre.

« Le motif principal de leurs dispositions (de ces statuts) a été de donner à l’institution qu’elles ont en vue un principe d’utilité et de conservation, de tarir autour d’elle les sources de dépérissement ; d’extirper par le caractère des titres impériaux les dernières racines d’un arbre que la main du temps a renversé et qui ne pouvait renaître que sous un prince aussi grand par ses lauriers qu’il l’est par sa puissance. »

Et après ces explications amphigouriques et embrouillées, d’où l’on cherche en vain à extraire un sens précis, l’archichancelier terminait par une déclaration singulière, dont on mesurera avec stupéfaction l’impudence :

« Le nouvel ordre de choses n’élève point de barrières entre les citoyens. Les nuances régulières qu’il établit ne portent point atteinte aux droits qui rendent tous les Français égaux en présence de la loi : elles renferment au contraire les mêmes droits puisqu’elles servent la morale, puisqu’elles guident l’opinion qui s’égare souvent, au défaut des démarcations fondées sur des motifs honorables. »

Le rétablissement de la noblesse présenté comme une confirmation des droits d’égalité proclamés par la Révolution ! Voilà ce que Cambacérès peut oser devant un Sénat qui sait tout écouter et tout approuver.

Dès lors, le titre de prince et d’altesse sérénissime fut concédé aux titulaires des grandes dignités de l’empire, et les fils aînés eurent droit au titre de duc à la condition de jouir d’un majorat de deux cent mille livres de revenu. Les ministres, sénateurs, conseillers d’État, présidents du Corps législatif et archevêques reçurent le titre de comte. Ce titre pouvait être transmis si le titulaire pouvait justifier d’un revenu de trente mille francs. Les