Page:Jaurès - Histoire socialiste, VI.djvu/544

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Quoi qu’il en soit, nous pouvons constater que Napoléon témoigna fréquemment, sa sollicitude pour les gros industriels et les riches commerçants ; par comparaison, nous allons trouver dans la réglementation ouvrière le témoignage de sa défiance et de sa haine contre le prolétariat.

Ce reflet de la pensée impériale, le voici d’abord dans un document extrêmement curieux et intéressant, intitulé Statistique émanant de la préfecture de police, troisième division, premier bureau, sur la situation des ouvriers à Paris (Archives nationales carton A. D. XI. 65).

En même temps que des renseignements précieux sur le taux des salaires à cette époque, nous y verrons avec quelle hostilité le fonctionnaire impérial apprécie la moralité des travailleurs qu’il surveille en un odieux esprit d’inquisition vexatoire.

Ce document de police mérite donc, à tous égards, que nous lui fassions large place et la citation ne paraîtra pas longue, tant elle est édifiante.

Le rapport étudie d’abord l’ordre des ouvriers qu’il catalogue sous le titre général de « bouche », c’est-à-dire d’alimentation ; ces ouvriers sont subdivisés en deux genres :

Premier genre : ouvriers de nécessité.

Les salaires sont les suivants :

Boulangers, 4 621 inscrits dont, à Paris seulement, 2 250 : 8, 9, 10 et 12 francs par semaine ; — bouchers : 10, 12, 15 francs par semaine ; — charcutiers : 10 francs communément ; — marchands de vin : 30 francs communément ; — marchands de vin traiteurs, restaurateurs et limonadiers : salaires variés, les profits sont calculés ; — épiciers ; 25, 30, 40 francs par mois ; — bouchonniers : 2 francs par jour ; — distillateurs : 3, 4 francs par jour ; — brasseurs : 2 fr. 50 par jour ; — vinaigriers : 2 fr. 50 par jour.

Le nombre total des ouvriers de cette catégorie est estimé à plus de 13 000, non compris les apprentis.

2e genre : objets d’agrément.

Pâtissiers : depuis 6 francs jusqu’à 15 francs par semaine ; chocolatiers : 3 à 4 francs par jour ; — confiseurs, 4 à 5 francs par jour ; — vermicelliers : 2 à 2 fr. 50 par jour ; — pain d’épice : au plus 2 francs par jour.

Rapport politique. — Les ouvriers de cet ordre ne présentent pas en général grand intérêt sous le rapport politique : ils peuvent rarement inquiéter.

Il faut cependant en excepter les boulangers et les bouchers ; les premiers à cause de leur ignorance crasse et de leur grossièreté, les seconds à cause du grand accord qui règne entre eux.

Une coalition des garçons boulangers pourrait avoir des inconvénients